Parmi les 900 entreprises détruites ou pillées, figurent des industries. Leur fédération redoute une deuxième vague, celle de la crise sociale.
À LA PEINE
Des entreprises ont encore brûlé dans la nuit du 23 au 24 juin, des exactions ont encore été commises, des salariés ne peuvent toujours pas accéder à leur poste de travail, des sociétés ne sont pas en activité… « Le problème de la sécurité des biens et des personnes n’est toujours pas réglé, malgré les communications des représentants de l’État en Nouvelle-Calédonie et en Métropole » pointe Xavier Benoist, président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (Finc). Ce mouvement de destruction s’étend même au-delà du Grand Nouméa, à Boulouparis, Poya, Koumac… Et « la réponse de l’État au niveau économique est à la peine aujourd’hui », ajoute le dirigeant qui regrette que « les annonces initiales faites par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ne sont pas prises en compte ».
Le dossier des assurances est ouvert. « L’État avait indiqué qu’il imposerait aux assureurs de prendre en charge les entreprises qui n’avaient pas leur garantie “émeutes” dans leur contrat », ce qui représenterait 30 à 40 % des sociétés touchées. Toutefois, « les assurances annoncent très clairement qu’elles ne le feront pas, parce qu’elles n’ont pas l’accompagnement de l’État ». Ce qui, par effet ricochet, pose souci au niveau des banques.
CRISE SOCIALE REDOUTÉE
Des chefs d’entreprise le notent, l’économie est en train de se mettre à l’arrêt en Nouvelle- Calédonie. Xavier Benoist regrette, comme d’autres confrères, l’absence de « coordination entre les différents acteurs, c’est-à-dire le gouvernement, l’État et les provinces… Chacun avance ou est arrêté, de son côté. Conclusion, il n’y a pas d’accompagnement du monde économique, entreprises et salariés ».
De fait, la crise économique considérable pourrait entraîner « une crise sociale majeure. Il n’est pas certain qu’aujourd’hui, notamment en France métropolitaine, les gens soient vraiment conscients de la situation dans laquelle nous sommes et des impacts à venir ». Comme le risque accru d’un décrochage scolaire, d’une marginalisation d’habitants, d’un accroissement colossal des inégalités…
IMPACT ÉNORME SUR L’EMPLOI
À ce stade, 10 000 emplois environ sont affectés par un chômage partiel ou total, dû uniquement à la crise émeutes. Les acteurs économiques craignent une deuxième vague, de même ampleur, inhérente à l’effondrement de l’activité de la métallurgie et du BTP. Ces 20 000 emplois touchés seraient ainsi à rapporter aux 68 000 du secteur privé. « Comme si on supprimait le bassin économique de la Nouvelle-Aquitaine en Métropole ».
« Si on ne trouve pas aujourd’hui des solutions pour injecter rapidement et massivement de l’argent dans l’économie calédonienne, le château de cartes va s’écrouler. Parce que, derrière, ce sont les recettes fiscales, les comptes sociaux, le financement des collectivités… ». Or, à la crise et la question économique, « il n’y a pas de réponse politique » déplore le président de la Finc. « Nos politiques sont aujourd’hui concentrés sur les élections législatives. »
UN « SOUS RÉSERVE » TERRIBLE
Vu ses difficultés financières majeures, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait sollicité l’État pour une aide estimée à 31 milliards de francs. La perte de recettes fiscales liée à la crise s’élèverait à environ 20 milliards de francs actuellement. S’ajoute la nécessité de financement des comptes sociaux, en faveur au moins du chômage partiel dû aux émeutes.
Dans un courrier dévoilé dimanche 23 juin, le président de la République mentionne, en réponse, des avances et des prêts à hauteur de 24 milliards de francs, “sous réserve” pour la patrie relance et reconstruction. « C’est ce “sous réserve” qui est inquiétant, observe Xavier Benoist. “Sous réserve” que les barrages soient levés, que les exactions s’arrêtent… Je pense que l’effet sera contraire. Le “Sous réserve” est une très mauvaise idée. »
D’autant que, d’après la Finc et d’autres organismes économiques, l’aide massive de Paris ne doit pas passer par les collectivités, mais doit être pilotée par une agence d’État qui ait une vision globale permettant de coordonner les actions. « Ce qui fait aujourd’hui défaut dans la gestion de crise. »
Selon le président de la Fédération des industries, le rebond n’aura pas lieu « avant six à neuf mois ». Une priorité est alors réaffirmée : il est indispensable que le monde économique soit associé aux discussions sur l’avenir institutionnel du territoire.
Yann Mainguet