Du soutien pour les aidants

Il y aurait environ 20 000 aidants familiaux s’occupant au quotidien d’un proche dépendant ou malade. Ce rôle, qui ne bénéficie d’aucun statut particulier sur le territoire, est source de nombreuses difficultés personnelles ou professionnelles, au point d’altérer parfois la santé des aidants eux- mêmes. Un soutien peut être trouvé auprès des centres d’action sociale ou des associations, alerte France Alzheimer Nouvelle-Calédonie.

C’est un sujet auquel nous serons tous confrontés un jour. Comment s’occuper au mieux d’un proche dépendant ? Un enfant porteur de handicap, une sœur malade, un parent vieillissant ? Pour ceux qui les maintiennent à domicile, solution la plus humaine qui soit, comment s’organiser, atténuer leurs souffrances, concilier cette prise en charge avec une vie personnelle et professionnelle ? Les difficultés ne manquent pas pour tous ceux que l’on appelle les aidants, c’est-à-dire les personnes non professionnelles prenant en charge, à la maison, un proche en situation de dépendance.

En Métropole, il s’agit, dans 72 % des cas, des conjoints, en majorité des femmes, puis des enfants, des frères et sœurs… Il n’y a pas de statistiques locales sur cette question. Mais quelles que soient les histoires, les problématiques sont similaires tout comme le risque pour la santé des aidants.

Un risque de burn out

C’est un constat que fait quotidiennement l’association France Alzheimer en Nouvelle- Calédonie. « On observe qu’il y a énormément de risques d’épuisement pour ces aidants qui s’occupent de leurs proches parfois 24 heures sur 24, sept jours sur sept, nuit et jour, explique Alexia Rejaunier, psychologue clinicienne, bénévole pour l’association. Il y a aussi des problématiques d’isolement, des symptômes dépressifs, anxieux, des troubles alimentaires ou du sommeil. » Parfois, la charge est telle, que les aidants en deviennent eux-mêmes malades. « Des personnes se font hospitaliser par épuisement physique et psychologique avant même que leur proche malade soit institutionnalisé ou hospitalisé », poursuit-elle.

C’est justement ce qui est arrivé à Jean-Michel Nguyen, ex-aidant, désormais bénévole à l’association. « Mon père était parkinsonien. Et en plus de la maladie, il était en fauteuil roulant et avait perdu l’usage de tous ses membres. J’étais seul à m’en occuper avec des auxiliaires de vie en journée en semaine, que j’avais fait passer pour des amies pour qu’il les accepte. Il fallait le nourrir, le vêtir, le doucher. Il avait des crises de démence qui pouvaient survenir à n’importe quel moment. On pense pouvoir faire face, mais on est désarmé. J’étais seul le soir, le week-end, plongé dans le néant. J’étais stressé comme pas possible au travail. J’ai fini par être hospitalisé avant lui, en burn out total. » Jean-Michel explique avoir trouvé de l’aide à France Alzheimer, SOS écoute, la mairie de Nouméa, l’instance de coordination gérontologique de la province Sud. « Il y a des choses qui existent, mais il faut chercher et ne pas attendre d’aller dans le mur », conseille-t-il.

Ne pas attendre pour se faire aider

France Alzheimer tente ainsi de sensibiliser aux risques encourus pour les binômes. « Mieux vous serez encadré et accompagné en tant qu’aidant, mieux vous pourrez aider à votre tour. Se ressourcer est indispensable pour être opérationnel », glisse Alexia Rejaunier. L’association propose plusieurs dispositifs qui peuvent aider. La « halte relais » permet aux aidants de passer temporairement la main. Deux après-midi par mois (le deuxième et quatrième jeudi), une équipe de bénévoles accueille les personnes malades aux Cerisiers bleus pour que les aidants puissent prendre du temps pour eux. Les bénévoles et psychologues proposent des ateliers de stimulation cognitive, travaillent à maintenir du lien social et une bonne estime de soi. Une dizaine de malades Alzheimer et maladies apparentées sont accueillis à chaque session. L’association propose également des entretiens psychologiques individuels et des « cafés mémoire ».

Les centres communaux d’action sociale sont aussi d’une grande aide. À Nouméa, le CCAS propose un accompagnement individualisé, des animations et un programme de soutien gratuit : le « café des aidants », un rendez- vous hebdomadaire à la Maison de la famille, au pôle de services publics de Rivière-Salée. Le Lions Club Nouméa doyen organise, par ailleurs, le rendez-vous des aidants une fois par mois pour écouter et orienter ceux qui sont concernés par différentes pathologies ou problématiques. Toujours sur Nouméa, des activités de loisirs sont proposées par l’Acapa et les Fils d’argent. Le guide de l’aidant de la ville de Nouméa (téléchargeable sur le site de la mairie) recense toutes les personnes- ressources, les aides et les initiatives.

Les aidants familiaux seront de plus en plus nombreux avec le vieillissement de la population et l’accroissement de l’espérance de vie. L’Isee estimait, en 2012, que les seniors représenteraient en 2030, 14 % de la population avec 8 000 personnes âgées de 80 ans et plus.

Les membres de l’association France Alzheimer NC : Alexia Rejaunier, Jean-Michel Nguyen, Denis Pons et Pierre Déméné.


Pas encore de statut d’aidant chez nous

Le statut d’aidant familial a été reconnu en 2016, en Métropole, dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Il a introduit le droit au répit pour permettre aux aidants de prendre du repos, le droit à un congé de solidarité familiale, une indemnisation journalière, le droit à une formation de santé, l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse du régime général, le droit à la retraite à taux plein à 65 ans et des avantages fiscaux. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 prévoit une indemnisation du congé accessible jusqu’à trois mois.

En Nouvelle-Calédonie, « on se débrouille comme on peut pour l’instant, mais légalement on n’existe pas, souligne Denis Pons, qui s’occupe de sa maman. Le malade est considéré mais pas celui qui prend en charge. » « Les associations doivent défendre ce projet », estime Pierre Déméné, le président de France Alzheimer Nouvelle-Calédonie.

Morgane Rivoal, chargée de mission au collectif Handicaps, explique que le sujet est effectivement primordial et concerne non seulement tous ceux qui s’occupent des personnes vieillissantes dépendantes, mais aussi toutes les familles avec des proches porteurs de handicaps et également dépendant (environ 10 000 personnes). De fait, les problématiques sont les mêmes quelles que soient les pathologies. « Beaucoup de personnes se voient contraintes d’arrêter de travailler ou de prendre un mi-temps, souvent des femmes. Cela s’apparente à un don de soi, à de la solidarité, sans aide et sans reconnaissance. » Selon Morgane Rivoal, il est essentiel en particulier de développer les temps de répit (notamment via les Ehpad) pour que les aidants puissent avoir un minimum de vie personnelle. Elle explique que le sujet reçoit une attention particulière du gouvernement et indique attendre le vote du schéma directeur handicap et dépendance. Celui-ci a été réalisé en 2016 suite à des groupes de travail et finalisé en 2019, mais il doit passer au Congrès avant d’être effectif. Il prévoit effectivement un soutien aux aidants avec un statut, l’accompagnement des parents et le développement de l’offre de répit.

C.M.

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