Douze scientifiques appellent à revenir sur le « choix » de la déforestation

La gestion de l’eau est intimement liée à celle de la végétation, qui contribue à réduire inondations et sécheresses. Les auteurs de l’Atlas de la forêt, édité dernièrement par la province Nord, livrent de graves conclusions et invitent « les politiques et les citoyens » à agir pour « changer de trajectoire ».

La présentation d’un aussi beau livre se doit d’être un moment de joie. Philippe Birnbaum et Vanessa Hequet peuvent être fiers de cet Atlas de la forêt, cosigné par douze scientifiques. Leurs tristes conclusions, en revanche, refroidissent nécessairement l’atmosphère.

Mine, incendie, urbanisation… Toutes causes confondues, la végétation recule chaque année d’une surface équivalente à 6 000 terrains de football. Une autre façon de le dire, plus culpabilisante : « chaque Calédonien coûte 10 arbres par an », soit trois millions au total. Et la tendance est à l’aggravation : la moyenne était de 2 400 hectares dans les années 2000.

« Il faut vraiment être conscient de la trajectoire qu’est en train de prendre la Nouvelle-Calédonie, qui est un choix drastique de déforestation », alerte Philippe Birnbaum. Pour l’écologue du Cirad*, « on commence à payer les pots cassés ». Les rivières tantôt asséchées tantôt débordantes sont « une conséquence typique de la déforestation », puisque la végétation « régule l’eau, permet un écoulement régulier tout au long de l’année ». Les cours d’eau engravés ou saturés de poussière en sont une autre.

« Au Costa Rica, ils ont réussi »

« Il n’y a pas de fatalité, uniquement des choix capables de changer les trajectoires. Les décisions appartiennent aux politiques et aux citoyens. » Vanessa Hequet, botaniste à l’IRD*, est convaincue que la science doit être « proche des gens » pour les pousser à l’action – que ce soit en votant ou en plantant. L’Atlas de la forêt vise donc les maires et leurs administrés : il se compose de 17 états des lieux plus ou moins « dramatiques », un par commune du Nord. « La protection d’une vallée, d’une crête près de chez soi, ça parle davantage que celle des forêts à l’échelle de la Calédonie. »

Vanessa Hequet espère voir naître davantage de projets visant à « reconnecter » la végétation du littoral à celle de la montagne. « La fragmentation que l’on a constatée est catastrophique : les oiseaux ne viennent plus, il n’y a plus de transfert de graines, la forêt s’épuise. »

Elle sait pourtant se reconstituer à chaque fois qu’elle en a le temps. Pour un incendie, comptez « quelques centaines d’années ». Si le sol a été gratté jusqu’à la roche, « plusieurs milliers d’années ».

La reforestation, un combat perdu d’avance ? Certainement pas. « Au Costa Rica, ils ont réussi à recréer une forêt incroyable, de la mer au sommet des montagnes », oppose Philippe Birnbaum, qui ne demande qu’à accompagner les collectivités volontaires. « On est prêts à proposer des méthodes pour restaurer à moindre coût, pour planter de façon optimale. »

 


3 000

hectares de forêt sont détruits chaque année en Nouvelle-Calédonie.

 


En ligne sur niamoto.nc

Les 500 exemplaires de l’Atlas de la forêt, édité par la province Nord, sont en vente chez Calédo Livres, 21 bis, rue Jean-Jaurès à Nouméa, au prix de 8 000 francs (186 pages). Ses données scientifiques sont consultables sur le site web Niamoto (www.niamoto.nc), qui signifie « forêt » en paicî (nâ mötö).

Ce portail, ainsi que l’ouvrage, sont le fruit d’une collaboration lancée en 2012 entre la province Nord, le *Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), *l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’université de Montpellier et l’Institut agronomique néo-calédonien (IAC).

 

Gilles Caprais (© G.C.)