Élue au boulevard Vauban depuis 2019, présidente de commission, Veylma Falaeo accède au perchoir avec l’ambition de porter une voix qui dépasse les postures politiques.
DNC : Vous êtes la première femme à la tête du Congrès, en quoi cela est-il important pour vous ?
Veylma Falaeo : C’est un honneur, une fierté. C’est un message d’espoir pour toutes les femmes qui sont engagées, un encourage- ment. Je prends ces responsabilités avec beaucoup d’optimisme et j’espère insuffler de nouvelles choses au Congrès.
Votre élection a été une surprise. L’UC et le Palika estiment que c’est le résultat d’une stratégie, est-ce le cas ?
Nous arrivons à la fin de la mandature de l’accord de Nouméa et après ce qu’il s’est passé le 13 mai, il fallait une clarification. Nous voulions reprendre notre place centrale, revenir au centre de l’échiquier politique avec nos trois voix médianes. Nous comptions simplement voter pour nous-mêmes jusqu’au troisième tour. Nous avons pris acte du report des voix des non- indépendantistes. Il n’y avait ni stratégie, ni plan.
Pendant votre discours, vous avez évoqué le fait que votre mandat pourrait durer trois mois. Êtes-vous favorable à la tenue des provinciales en décembre ?
L’Éveil océanien est pour, et c’est ce que prévoit la loi organique. Après ce qu’il s’est passé ici, puis les législatives au niveau national, il est peut-être important de faire aussi une clarification localement.
Quelles sont vos priorités ?
Nous avons trois axes de travail. D’abord revoir l’organisation du Congrès, l’optimiser, rendre son action plus transparente et plus accessible à la population, et dynamiser l’institution. Ensuite, œuvrer à une meilleure coordination avec le gouvernement sur les projets de texte. Enfin, réunir les différents groupes en vue d’une reprise du dialogue sur l’avenir institutionnel. Au niveau du timing, ça a l’air court, mais je ferai en sorte que cela fonctionne, j’en ai la volonté.
Comment constituer une majorité pour voter les réformes à venir ?
En tant que présidente du Congrès, l’idée est de prendre de la hauteur par rapport aux postures politiques. Concernant les grands chantiers qui nous attendent, Ruamm, TGC, délibération d’application pour la CLR, etc., je souhaite m’entretenir en amont des séances publiques avec les chefs de groupe afin d’essayer de dégager un consensus. Les collectivités sont dans le gouffre et la solution doit émaner de nous.
Vous pensez qu’un accord est toujours possible ?
Oui, on se doit d’y croire, nous ne perdons pas espoir. Nous sommes de jeunes élus, donc nous n’avons pas le background qui ferait blocage, qui nous empêcherait d’aller de l’avant. Nous sommes plus libres. Je veux prendre l’initiative d’une démarche sur le volet institutionnel.
Pensez-vous que ce qu’il s’est passé au congrès du FLNKS puisse avoir
des répercussions au sein de l’hémicycle ?
De ce congrès, nous retenons une volonté de réconcilier la base avec une partie du Front. Et le travail pour la levée des barrages sur la côte Est annoncé par Laurie Humuni. Ce qui aurait des conséquences plutôt positives et participerait à désamorcer la situation. Après, je pense que les élus sont assez conscients qu’il y a ce qu’il se passe à l’intérieur de l’hémicycle et ce qu’il se passe à l’extérieur, tout le monde sait le rôle qu’il a joué pour faire avancer les choses. Je ne pense pas qu’il y ait de conséquences.
Récemment, les non-indépendantistes, notamment Sonia Backès et Nicolas Metzdorf, ont parlé de fédéralisme comme solution institutionnelle. Qu’en pensez-vous ?
Nous portons une vision pays, une solution politique partagée qui serait celle du partenariat avec la France. L’hyperprovincialisation n’a pas d’intérêt, ce n’est pas possible d’espérer un développement séparé du territoire. Ce n’est pas un projet d’avenir.
Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat
« Le sens des responsabilités »
À l’annonce de son élection, qu’elle apprend en direct à la télévision, sa mère tombe en larmes. « Mes parents sont très fiers », glisse Veylma Falaeo dans un sourire. L’élue de 42 ans accède au perchoir cinq ans seulement après son entrée en politique en 2019 à la suite des provinciales, sous l’étiquette de l’Éveil océanien, parti fondé en 2018 après sa rencontre avec Milakulo Tukumuli et Petelo Sao. « Nous, Calédoniens d’origine wallisienne et futunienne, ne voulions plus être instrumentalisés et voulions faire quelque chose pour notre pays. » La politique n’est pas étrangère à cette aînée d’une fratrie de trois enfants qui a grandi à Rivière-Salée, ce qui lui a donné « le sens des responsabilités », puis un goût prononcé pour l’intérêt général. Son père, comme elle quelque 30 ans plus tard depuis 2020, a siégé au conseil municipal de Nouméa. Surtout, sa maman, « une fille Brial, a eu successivement le papa, l’oncle et les deux frères, soit président de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, soit député de la collectivité ».
« DU GENRE À TRAVAILLER TOUT LE TEMPS »
Diplômée de l’Université de Nouvelle-Calédonie d’une licence en administration publique et d’une autre en économie gestion, Veylma Falaeo intègre la fonction publique, travaille dans la formation. Un secteur, avec celui de la jeunesse, qui l’intéresse particulièrement. En détachement pour mandat électif, la nouvelle présidente a fait ses armes pendant quatre ans à la tête de la commission législation, réglementation et fiscalité, et souhaite reproduire à l’échelle du Congrès « sa méthode tournée vers le consensus » qu’elle y a instaurée, indique Petelo Sao, son directeur de cabinet. Quelques jours à peine après le vote, le rythme est déjà intense, ce qui n’inquiète pas Veylma Falaeo. « Nous sommes plutôt du genre à travailler tout le temps. Mais, il va falloir trouver des moments de récupération pour tenir dans la durée. » L’occasion de se remettre à la Zumba ? « Dans ma vie d’avant [rires], j’adorais ça, mais cela fait deux ans que j’ai arrêté. » Une façon de montrer un visage plus humain de la politique. Un point commun que Veylma Falaeo partage avec Jacinda Ardern, l’ancienne Première ministre néo-zélandaise, qu’elle « apprécie ». Une figure qui pourrait sans aucun doute l’inspirer. A.-C.P.