Parce qu’ils n’envisagent plus leur vie sur le territoire ou dans leur commune, de nombreuses personnes décident de plier bagage et de déménager depuis la crise.
Lui est Calédonien « de cinq générations ». Elle est arrivée il y a 25 ans sur le territoire. Parents de deux enfants, Stéphane et Émeline ont pris la décision de quitter la Nouvelle-Calédonie à la suite des exactions qui ont secoué le pays. À l’origine de ce départ, de la colère et une grande lassitude. « Je suis fatigué de ce contexte politique, fatigué de vivre dans un pays où depuis 40 ans, rien n’avance. On nous promet des choses, on nous dit qu’on va vivre en paix et construire quelque chose en commun, puis ça tourne en rond », dénonce Stéphane.
Si, pour cet « enfant des accords de Matignon », la question du départ était en réflexion depuis quelques années, pour sa femme Émeline, le « déclic » n’a eu lieu qu’à partir du 13 mai. « J’ai été choquée de la violence et de la colère qu’il y a eu et je ne veux pas vivre dans un pays autant en colère […] À Païta, où nous habitons, on se sent dans le vivre-ensemble. Pendant les exactions, nous étions avec le drapeau blanc, il y avait une énergie solidaire. Pour moi, c’est ça, la Nouvelle-Calédonie. Lorsque je descends à Nouméa aujourd’hui et que je vois tous ces drapeaux bleu blanc rouge, pour moi ‒ et pourtant je suis Française ‒ c’est agressif », confie-t-elle.
À cela s’ajoute leur « vision professionnelle », devenue floue ces six derniers mois. « Que ce soit pour nous ou pour nos enfants, on ne voit plus d’avenir ici », regrettent-ils. Billets d’avion déjà achetés, tous les quatre partiront en mars 2025 et seront hébergés dès leur arrivée sur le sol métropolitain. À quelques mois du départ, « financièrement, c’est compliqué », mais la petite famille « reste confiante ». « On sait qu’on va y arriver », glisse Émeline.
« ON SE SENTAIT ISOLÉS »
Dans une autre commune de l’agglomération, au Mont-Dore sud, Émilie a elle aussi quitté sa maison en juillet. Non pas pour déménager en Métropole, mais pour se rapprocher de Nouméa où ses deux enfants sont scolarisés. Avec les difficultés de transport à proximité de la tribu de Saint-Louis, « c’était une galère pas possible », raconte la mère de famille, se remémorant les premières semaines des exactions : « On manquait de tout. Au niveau de l’alimentation, il n’y avait plus rien dans les rayons, puis il n’y a plus eu d’essence… Ça a modifié complètement la vie. Je ne suis pas de nature très anxieuse, mais il n’y avait pas de forces de l’ordre, on se sentait complètement isolés ».
Aujourd’hui, si elle retourne quelquefois chez elle le week-end, Émilie ne compte pas abandonner son appartement à Nouméa, même si elle continue de payer sa maison du Mont-Dore et quand bien même la circulation serait de nouveau rétablie de façon « normale » aux abords de Saint-Louis. « Je pense que je m’inscris dans la durée, car c’est plus simple pour plein de raisons. Je me vois mal revenir en arrière. Quitter le Mont-Dore Sud pour vivre à Nouméa, il y a quand même pas mal d’avantages à cela, surtout quand on a des adolescents. »
Nikita Hoffmann