Les Calédoniens apprennent à vivre avec le risque requin ces dernières années. S’ils n’ont pas tous modifié leurs habitudes, usagers de la mer et amateurs de sports de glisse ont conscience du danger.
Accroupi près de son wingfoil, sur le gazon bordant la plage de l’anse Vata, Roland passe et repasse un jet d’eau sur sa planche. Comme « quasiment tous les jours » depuis cinq ans, cet amoureux de la mer s’est accordé quelques heures au-dessus de l’eau. Le risque requin ? « Je n’en ai jamais vus, et de toute façon ce n’est pas ça qui va me faire arrêter ! », lâche-t-il, rieur.
Mais depuis les attaques à répétition survenues en 2023, « j’ai quand même acheté un bracelet anti requin », finit-il par reconnaître. Hormis cela, ses habitudes n’ont pas changé d’un iota. « Après, c’est sûr que lorsqu’on tombe dans l’eau, on fait plus le malin, on remonte vite ! »
Pratiquant également le wingfoil depuis quelques années, Marc n’a pas non plus mis ce sport de côté. Car « je n’ai pas peur. Les moustiques font plus de dégâts », relativise-t-il. En revanche, « on fait plus attention ». Turbidité de l’eau, tombée de la nuit, météo douteuse… Autant d’éléments que le retraité prend désormais en compte lorsqu’il s’en va en mer. De la même façon, « j’attends qu’il y ait du monde sur l’eau. Je n’aime pas être seul ».
« LA PSYCHOSE RESTE »
Des habitudes, Laurent Gaüzère a dû en modifier quelques-unes, lui aussi. À la tête de l’entreprise Sp8ce New Caledonia ‒ proposant la location de paddles, wingfoils, kayaks et planches à voile à l’anse Vata ‒, l’ancien champion de funboard a dû arrêter son activité durant un an et demi, à la suite des attaques de 2023 et des travaux réalisés sur la zone.
De retour depuis plus d’un mois, il observe une nette différence dans la pratique des sports de glisse. « La crise est inscrite, et la psychose reste chez les gens. Ça ne reprendra jamais comme avant, d’autant qu’on en parle de plus en plus régulièrement », note-t-il. Une psychose qui, selon lui, est « mondiale vis-à-vis de la Calédonie ». Australiens et Métropolitains sont beaucoup moins nombreux à louer ses équipements, tant la peur est présente. Difficile, par conséquent, de « reprendre » dans ce contexte. « C’est la cata. Le chiffre d’affaires est en chute libre. J’essaie quand même, on verra. »
S’il n’a pas spécialement adopté de nouveaux gestes pour faire face au risque requin, le funboardeur ne manque pas d’idées. « On pourrait mettre en place une structure de sécurité comme il y en a à la baie des Citrons et en bas du Château Royal, mais au niveau de la pointe du Fun Beach, de manière à ce que les sauveteurs-nageurs puissent bien surveiller », propose-t-il, avant d’évoquer la solution drone. « Ça marche très bien, et ça nous éviterait les erreurs humaines. Ça rassurerait peut-être un peu plus les gens aussi. » Parce qu’« en vérité, on ne peut pas faire grand-chose nous, à notre niveau ».
Nikita Hoffmann