Un chantier de déconstruction doit respecter des étapes non seulement techniques, mais aussi réglementaires. Ce qui interdit logiquement toute improvisation.
- RÉDUIRE À NÉANT PROPREMENT
Pour accomplir des travaux de démolition, « il y a toute une procédure à suivre », explique Joël Langouet, directeur de la société Sciage Béton créée il y a 20 ans. Une entreprise attributaire d’un marché doit déclarer le chantier à la CSP, la Calédonienne de services publics, entité spécialisée dans le traitement des déchets. Trois formulaires permettent de désigner les détritus à extraire. Un inspecteur de la CSP se déplace ensuite sur site pour une vérification avant la déconstruction : les déchets communs seront acceptés tandis que la matière jugée dangereuse sera conditionnée puis envoyée en Nouvelle-Zélande. Ce qui renchérira le coût. La facture est de 20 000 francs la tonne dans un cas standard ou de 40 000 francs pour du matériel brûlé.
« Nous faisons des bordereaux de suivi de déchets, nous avons tous les tickets de pesée… Et à la fin du chantier, nous fournissons l’ensemble des documents à l’entreprise qui a passé la commande », explique Joël Langouet, qui déclare également le chantier à la province Sud. L’entreprise propriétaire du bâtiment à démolir est responsable des déchets. Un dock de 5 000 m2 en génère environ 80 à 100 tonnes. Si leur traçabilité ne peut pas être précisée, une amende de près de neuf millions de francs est appliquée.
Les professionnels recensent quatre à cinq sociétés disposant d’un Ridet (répertoire des entreprises) spécialisé dans la démolition et d’une assurance spécifique. Travaux en hauteur, en nacelle, secourisme du travail, découpe au plasma… La société Sciage Béton fait appel à des intervenants pour la formation de ses sept à dix salariés. Cette mise à niveau par un centre agréé est fortement conseillée sur le territoire.
- LE RISQUE AMIANTE
Depuis 2007, l’amiante est interdit à l’importation et à la vente en Nouvelle-Calédonie. En raison d’un léger délai lié au permis de construire, « tous les bâtiments avant 2008 doivent être diagnostiqués avant travaux et démolition », souligne Franck Ollivier, gérant de la société 2DNC, pour Démolition Désamiantage. Dans le cas de structures sinistrées, lorsque la coque est tombée sur le contenu du bâtiment, cet intérieur touché par les flammes peut aussi être contaminé par l’amiante. Le résultat des prélèvements envoyés en Métropole arrive quinze jours plus tard. « S’il n’y a pas d’amiante, on peut tout raser. S’il y a de l’amiante, des procédures sont mises en place selon le niveau d’empoussièrement théorique du matériau », observe le dirigeant.
Le coût de l’intervention est variable en fonction de la quantité de l’élément toxique. D’après un calcul sommaire, ces minéraux à texture fibreuse pourraient être présents dans 10 à 15 % des locaux touchés pendant les émeutes. La migration des fibres d’amiante par incendie constitue une difficulté supplémentaire. Un non-respect des réglementations inhérentes à l’amiante relève de la justice pénale.
- LES ASSUREURS IMPLIQUÉS
Les sociétés d’assurance règlent, dans les indemnités, l’entreprise propriétaire dont le bâtiment brûlé est démoli. Les assureurs se réfèrent, pour le choix du démolisseur, à la liste d’entreprises associées à la charte de bonne conduite promue par la FCBTP, Fédération calédonienne du BTP. Avant le chantier, « l’expert va vérifier la conformité entre le devis de déconstruction et le volume concerné », explique Frédéric Jourdain, président du comité des sociétés d’assurances (Cosoda). « Nous prenons en charge le diagnostic amiante. »
L’indemnisation des assurances s’effectue en fait en trois temps. À la suite de la déclaration du sinistre rédigée par l’entreprise et de la visite d’un expert, les assureurs reçoivent un rapport de reconnaissance qui va permettre de « délivrer un acompte, c’est une mesure d’urgence pour la sécurisation des lieux, la déconstruction… », liste Frédéric Jourdain. Puis, une fois le chiffrage par l’expert des dommages subis, le plus gros de l’indemnisation est versé. Enfin, une somme peut être attribuée en lien avec la perte d’exploitation, si l’entreprise décide de reprendre son activité.
Sur la « charge finale », c’est-à-dire le montant global issu de ces trois temps, estimée à un milliard d’euros, soit 120 milliards de francs, après les émeutes, 11 % seulement ont été à ce jour octroyés. Parce ce que, selon Frédéric Jourdain, « il y a différentes phases ».
Yann Mainguet