De par leur orientation sexuelle, les personnes issues de la communauté LGBTQIA+ continuent de connaître certaines difficultés en Nouvelle-Calédonie. Une évolution des mœurs est tout de même constatée.
Alexandra¹ a fait son coming out il y a deux ans. Femme transsexuelle, elle a dû couper les ponts avec sa famille, qui ne comprenait pas son choix. « Ils m’envoyaient des messages tous les jours, en me disant que j’étais malade », raconte celle-ci. À ses côtés, sa petite amie, Olivia¹, acquiesce en silence. « Toutes les personnes qui ne respectent pas son identité, forcément, ça me touche énormément aussi. »
Une situation tristement « classique », pour les personnes transgenres, homosexuelles, lesbiennes ou bisexuelles dans le monde. Et la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à ce constat. Selon des données enregistrées par l’association Diversités NC en 2019, si les agressions physiques sur les personnes queers sont moins importantes qu’en Métropole, la pression sociale, elle, est bien présente et prend différentes formes.
Ainsi, la transformation physique et les soins prodigués à une personne transsexuelle font souvent polémique. « Les gens ne comprennent pas que ce soit remboursé par la Cafat. Ils pensent qu’il s’agit d’un simple choix esthétique, alors que c’est beaucoup plus complexe que cela. Nous aussi, on paye notre part dans ce processus de transformation, souligne Alexandra. Et puis, on représente 1 % de la population mondiale, donc finalement, on ne coûte pas grand-chose, lorsque l’on met les chiffres bout à bout ».
La place des transgenres est ambivalente en Nouvelle- Calédonie. Car s’ils sont beaucoup plus représentés qu’en Métropole, grâce à « une culture transsexuelle » présente en Océanie, et notamment en Polynésie, certains peuvent parfois être perçus comme des « bêtes de foire », explique Maëlys Vésir, cofondatrice de l’association Rainbowlution.
LE POIDS DU PATRIARCAT
Homosexuel, Jeremy* affirme ne pas connaître de « difficulté particulière » dans sa vie quotidienne. Il pointe, en revanche, des relations amoureuses et sexuelles globalement « catastrophiques », guidées par la peur du regard de l’autre. « La condition sine qua non pour la plupart des rencontres, c’est la discrétion. Comme l’orientation sexuelle des gens n’est pas assumée, ils se cachent beaucoup plus qu’en Métropole. C’est dû au poids de la famille, la religion, au poids de la coutume… Et puis la Nouvelle-Calédonie, c’est petit, donc tout peut se savoir », analyse-t-il.
La « société patriarcale » calédonienne n’aide pas non plus. « Quand tu es homosexuel, tu restes un homme, mais tu subis les mêmes injonctions que les femmes, avec parfois du harcèlement, des violences sexuelles ou du manque de respect. »
Ainsi, les hommes homosexuels sont parfois moins bien acceptés que les lesbiennes, même si ces dernières connaissent également des difficultés. Durant sa scolarité, Alanis, 18 ans, a été victime d’insultes et de remarques. Parce qu’elle était lesbienne, mais aussi parce qu’elle vivait dans une famille homoparentale².
Un schéma qui lui a offert une « ouverture d’esprit » dès l’enfance, mais qui l’a forcée à faire preuve de maturité très tôt. « Les enfants n’ont pas l’habitude de voir des personnes qui n’ont pas les mêmes parents. Et quand ils ne comprennent pas, ils peuvent être dans le jugement. Ce n’est pas de leur faute, c’est simplement qu’ils n’ont pas eu d’éducation par rapport à cela », explique-t-elle.
Aujourd’hui encore, par peur de se « faire agresser », elle choisit, dans certaines situations, de ne pas s’affirmer au grand jour. « À chaque fois que l’on sort ensemble avec ma petite amie, si nous sommes en présence de personnes que l’on ne connaît pas, on dit que nous sommes amies. Il y a toujours une sorte d’appréhension. »
La situation des personnes LGBTQIA+ en Nouvelle- Calédonie semble néanmoins évoluer. Toujours « moins vite » qu’en Métropole, où une « révolution sexuelle » s’est mise en place ces dernières années, selon Jeremy, mais certaines avancées sont constatées. Depuis 2013, les personnes de même sexe peuvent désormais se marier et adopter. Selon les familles et les entourages de chacun, le coming out ne se fait plus nécessairement. Pour Marc, 53 ans, « c’est quasiment devenu un non-sujet ». « Les gens n’osent plus nous attaquer, car ils savent que ça va se retourner contre eux. »
Nikita Hoffmann
1.Les prénoms ont été modifiés.
2.Qualifie une famille dans laquelle deux personnes de même sexe élève un enfant ou plusieurs.
Une augmentation de l’homophobie dans certains établissements scolaires
À travers les interventions qu’elle mène en milieu scolaire – dans les classes de 4e et de seconde – l’association Prismes, qui sensibilise sur la santé affective, relationnelle et sexuelle, a récemment constaté des cas d’homophobie dans certains collèges et lycées du territoire. « Dans les sujets que nous abordons, nous sommes amenés à parler de l’orientation sexuelle et du genre. Il nous est arrivé d’entendre : ‘’Ça, c’est sale’’ ou ‘’Ce n’est pas normal’’ », explique Frédérique Cid, directrice de Prismes.
Des réflexions qui ont suffisamment étonné l’association pour être relevées, d’autant qu’elles n’étaient pas constatées il y a encore un an. « On pensait que les graines semées avaient germé, que c’était devenu un non-sujet ». Difficile, cependant, d’identifier la cause de cette augmentation d’homophobie.