[DOSSIER] Une image à reconstruire

Les opérateurs comptent sur les touristes qui reviennent en Nouvelle-Calédonie pour véhiculer un message positif (© F.D)

Les photos et les vidéos des destructions ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Aujourd’hui, les provinces et la Nouvelle-Calédonie multiplient les stratégies pour rendre à nouveau la carte postale attractive.

« Tous les voyages non essentiels vers la Nouvelle-Calédonie sont déconseillés. » Ce message s’affiche encore aujourd’hui sur les sites de conseil aux voyageurs d’Australie, de Nouvelle- Zélande, des États-Unis, du Canada et même de Belgique. « Ces avertissements ne nous aident pas », souffle Julie Laronde, directrice de Nouvelle-Calédonie Tourisme (NCT), structure qui assure la promotion de la destination à l’international. Et tant que ces alertes sont maintenues élevées, les assurances voyage ne prennent pas en charge les rapatriements pour cause émeutes.

« BAD BUZZ »

« Auprès des touristes étrangers, l’image de la destination a été dégradée. Dès le début des émeutes, on a eu beaucoup de publications et de couvertures médiatiques négatives. 130 000 publications juste en 15 jours », observe la directrice, qui évoque un « bad buzz ». Les équipes de NCT ont étudié plusieurs crises récentes ayant touché d’autres destinations : les coups d’État à Fidji de 1987, 2000 et 2006, les attentats à Bali en 2002 et au Kenya en 2015 ou encore les grèves et émeutes des Antilles de 2009. « Tout le monde s’en relève plus vite que prévu. L’être humain a une faculté d’oublier », conclut Julie Laronde.

D’autant plus que la Calédonie n’est plus un sujet d’actualité dans les médias. Une enquête régulière auprès des voyagistes et des tour-opérateurs étrangers révèle que l’indice de confiance remonte. Évalué sur une échelle de -100 à +100, l’indice est passé de 15 à 42. « Nous devons reconstruire progressivement l’image de la destination, regagner la confiance des touristes, des clients et des revendeurs », préconise la directrice. Des campagnes sont lancées dans ce sens, notamment à travers des vidéos de touristes revenus en Calédonie. « Il faut prendre le temps de rassurer et ne pas dégainer trop vite. »

Des coopérations sont aussi mises en place. « J’ai profité d’un déplacement aux Samoa pour évoquer des pistes de partenariat. Les Samoans pourront utiliser les différents espaces de nos délégations et nous le ferons avec les leurs à Los Angeles et à Londres. Nous le faisons déjà avec le Vanuatu », souligne Mickaël Forrest, membre du gouvernement chargé de la promotion internationale du tourisme. Une manière aussi de « dire à la région, nous sommes toujours là ».

CONFIANCE

Cette dégradation de l’image de la destination n’a pas touché que les étrangers, les Calédoniens sont aussi concernés. « Des clients m’ont dit : “On ne donne pas d’argent au Nord et aux Îles” », confie un professionnel. « Il faut réussir à changer le regard. Notre idée est de pouvoir sortir de la tête des gens l’atmosphère du 13 mai et leur dire qu’il y a toujours de belles choses sur place », assure Cédric Ixeko, directeur de l’agence Îles Loyauté Explorer.

La Foire du Pacifique, du 4 au 6 octobre, a offert un test aux promoteurs. « Les gens qui voulaient partir aux îles ont pris le temps de poser des questions. Ça nous a permis de les rassurer. » Cette perte de confiance n’est d’ailleurs pas propre aux vacanciers. « Il y a eu un gros travail en amont pour remobiliser les instances coutumières afin qu’ils puissent apporter un message fort sur la réouverture de la destination, que les gens puissent circuler librement, et dire à nos populations qu’il faut accueillir nos visiteurs », insiste Cédric Ixeko. Les Loyauté misent sur cette stratégie de communication, « pour relier les liens », mais aussi sur d’importantes promotions sur des séjours. Symbole de cette volonté de reconquête, la gare maritime de Nouméa accueillera les 29 et 30 novembre la Vitrine des îles Loyauté.

BAGARRE D’OPINION

Une bataille de l’image que partage le Nord, particulièrement sur la côte Est. « Il y a beaucoup de frilosité pour ces endroits. Les gens ont peur d’y aller alors que la route est dégagée. C’est sur ça qu’il va falloir se battre », estime Judickaël Selefen, directeur du GIE Tourisme province Nord. La structure compte accompagner les prestataires pour communiquer auprès des clients. « C’est une bagarre d’opinion à gagner. »

Comme les autres provinces, le Sud a privilégié une reprise progressive. « À partir du 1er octobre, les offices de tourisme et points d’information ont ouvert entièrement, dont un nouveau au parc provincial des Grandes Fougères », souligne Sud tourisme. L’outil de promotion met maintenant en place une campagne de mise en avant des prestations touristiques, avec un jeu concours à la clé. Le projet le plus ambitieux reste le lancement du site marchand sudtourisme.nc prévu le 18 novembre. Ce portail permettra aux visiteurs de planifier et réserver leurs séjours. « Cette plateforme simplifie la réservation et favorise la visibilité des prestataires », assure Sud Tourisme.

La réputation d’un pays reste toutefois un objet fragile. « Le moindre petit incident, même mineur, et le bouche-à-oreille peuvent renuire à l’image de la destination », note Julie Laronde, qui veut rester « confiante » avant l’arrivée du premier bateau de croisière à Nouméa. Et cette escale s’est déroulée sans encombre.

F.D.