[DOSSIER] Une formation locale des moniteurs serait « un plus pour la sécurité routière »

Pour sortir de la crise du recrutement en Métropole, l’auto-école de Boulari espère former 20 professionnels en 2023 au sein d’un « centre calédonien d’éducation et de formation à la sécurité routière », qui pourrait également remplir des missions de prévention.

Dans 41 % des accidents mortels des six derniers mois, l’un des conducteurs n’était pas titulaire d’un permis valide. Parmi les causes souvent évoquées : le prix de la formation, mais aussi une présence insuffisante des auto-écoles, notamment sur la côte Est (lire par ailleurs). « Moins on a de moniteurs, plus l’accès au permis est difficile. Et à l’heure actuelle, la profession est en crise. Faire venir des moniteurs de Métropole devient extrêmement difficile, même à Nouméa », explique Moumene Abdelkader.

Le responsable pédagogique de l’auto-école de Boulari, structure dirigée par José Bolo, travaille à la création du centre calédonien d’éducation et de formation à la sécurité routière. Le projet, en cours d’instruction au sein des services de la DFPC*, vise à diplômer 20 moniteurs en 2023, dans des locaux mis à disposition par la mairie du Mont- Dore. « L’objectif, c’est d’avoir quelqu’un de Poindimié à Poindimié, quelqu’un de Koumac à Koumac, etc. Ça apporterait de la stabilité, et ça permettrait éventuellement l’ouverture de nouvelles auto-écoles. »

Besoin de « stabilité »

Accessible aux titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme de niveau équivalent, la formation serait « lourde » : dix mois de théorie et de pratique, des cours dispensés par des « experts » venus de Métropole, ce qui signifie un coût « conséquent ». Le financement pourrait être assuré en partie par l’élève, par l’auto-école qui compte l’engager, et éventuellement par les collectivités. Une promotion de 20 personnes constituerait un apport « suffisant » pour régler les problèmes de recrutement pendant plusieurs années.

« On pourra relancer une formation, très facilement, le jour où le besoin se fera de nouveau sentir, précise Moumene Abdelkader. D’ici là, le centre restera ouvert et continuera d’être un plus pour la sécurité routière. Il sera à la disposition du gouvernement et des institutions pour mener des actions de prévention, pour organiser des stages destinés aux délinquants de la route. »

« On rend la formation accessible aux Calédoniens »

Le circuit administratif du projet sera bouclé « dans les semaines à venir », indique Thierry Santa, membre du gouvernement chargé de la Formation professionnelle, qui voit plusieurs qualités au projet. « Que les candidats n’aient plus à se déplacer en Métropole, avec tous les coûts induits, c’est une grande plus-value. On rend la formation accessible aux Calédoniens, et c’est aussi l’occasion de monter en compétence, de façon générale. »

Du point de vue de la sécurité routière, sujet « dramatique », il espère également des effets positifs. « Avoir davantage de personnes formées, cela facilitera l’accès au permis de conduire, ce qui est forcément une bonne chose. »

*Direction de la formation professionnelle continue de la Nouvelle-Calédonie (DFPC).


« Ça fait dix ans qu’on le demande ! »

Chez Schtroumpf, à Nouméa, trois des huit voitures sont à l’arrêt faute de moniteur, et deux salariés partiront prochainement pour la Métropole.« Je poste des annonces dans les revues spécialisées depuis quatre mois, et je n’ai aucune réponse », déplore Serge Lorenzini. « Pourtant, on paye bien : entre 260 000 et 300 000 francs. En Métropole, les moniteurs gagnent entre 150 000 et 200 000. » Une formation de moniteur en Calédonie ? « Ça fait dix ans qu’on le demande ! » Il estime qu’une quinzaine de postes sont actuellement à pourvoir.


Pour recruter, « il faut dérouler le tapis rouge »

Pour faire venir un moniteur jusqu’à Poindimié, « il faut dérouler le tapis rouge. Il faut aller les chercher à La Tontouta, leur trouver un logement ». Denise Cugola, 59 ans dont 30 à la tête de l’auto-école — la seule sur la côte Est — aimerait passer la main. « Ce serait bien que ce soit quelqu’un du pays, et je l’accompagnerai le temps qu’il faudra. J’en parle beaucoup à mes élèves, mais quand je leur dis qu’il faut aller se former en Métropole, ça les refroidit… »

 

© G.C. Les 32 auto-écoles du pays peinent à recruter. Le diplôme local de formateur à la conduite automobile et à la sécurité routière (FCASR) est présenté comme une solution.

Gilles Caprais

 

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