En huit semaines d’émeutes, la municipalité a recensé, au cours d’un premier bilan, environ huit milliards de francs de dégâts sur ses aménagements, bâtiments, structures, etc. À cela s’ajoutent toutes les pertes privées des entreprises, des particuliers. Tour d’horizon.
♦ BIENS PUBLICS SUR LA VOIRIE
Le mobilier urbain a été lourdement touché, notamment les lampadaires qui, comme les végétaux, ont souvent servi aux barrages pour bloquer les routes. 1 000 points lumineux sur 13 000 ont ainsi été détériorés ou détruits. 57 caméras de vidéosurveillance ont été dégradées pour un coût d’environ 120 millions de francs.
« Les dégâts sur les routes sont encore difficiles à chiffrer, tant que les barrages persistent à certains endroits de la ville », explique Christine Bahari, cheffe de cabinet du maire. Une première estimation de 1,2 à 1,5 milliard de francs est néanmoins évoquée par le maire de la ville, Sonia Lagarde.
♦ STRUCTURES COMMUNALES
30 bâtiments de la ville ont été incendiés, pillés et/ou mis à sac. Dix écoles ont été saccagées et partiellement incendiées et deux d’entre elles ont été complètement détruites. Le gouvernement recense 11 établissements touchés avec le secondaire pour près de 3 600 élèves touchés.
Au niveau des équipements sportifs, le mur d’escalade de Magenta a connu le même sort. Les infrastructures culturelles payent un lourd tribut avec deux médiathèques incendiées (Kaméré et Rivière-Salée), la maison de la musique et le Mouv’ à Rivière-Salée. Idem pour les équipements de proximité : la maison commune de Tuband, les espaces municipaux de Montravel et de Rivière- Salée, les ateliers de la Vallée-du-Tir (chantier d’insertion).
Et pire encore est la situation des bâtiments administratifs, qui ont subi des destructions : une partie du centre technique municipal (atelier mécanique à Doniambo), la direction des risques sanitaires, la caisse des écoles et le service vie éducative, le pôle de services publics de Rivière-Salée et la maison de la famille, les locaux de la brigade nord de la police municipale à Rivière-Salée ou encore une villa de direction à l’école Trouillot.
Les dégâts sur les bâtiments publics de la capitale seraient de l’ordre de 6 milliards de francs.
♦ VÉHICULES
« Plus du tiers de notre parc de véhicules a été détruit, principalement localisé au centre technique municipal à Doniambo », expose Christine Bahari. Cela représente 94 engins et véhicules incendiés, volés ou dégradés. Pour rappel, les assurances recensaient mi-juin 600 véhicules de particuliers et d’entreprises déclarés sinistrés sur l’ensemble du territoire.
♦ ENTREPRISES ET COMMERCES
Sur 700 entreprises ayant déclaré un sinistre pour dégradation, pillage ou incendie, 66 % sont localisées à Nouméa soit 459 entreprises, selon les indicateurs de la cellule de crise du gouvernement présentés aux élus du Congrès le 3 juillet. 194 sont localisées à Ducos et Doniambo.
Sur 1210 entreprises recensées comme subissant la crise de manière générale, 706 sont situées dans la capitale.
Les sociétés d’assurances recensaient au mois de juin, dans une première estimation, 900 entreprises et petits commerces détériorés sur la base des déclarations.
♦ HABITATIONS
200 habitations avaient été déclarées sinistrées au mois de juin. « Des Nouméens ont vu leurs maisons incendiées dans les quartiers de Portes-de-Fer, Vallée-du-Tir, Kaméré et Rivière-Salée, retrace Christine Bahari. Plus récemment, une partie des bâtiments du temple bouddhiste à Tina a été victime d’un incendie. »
♦ POLICIERS MUNICIPAUX BLESSÉS
Depuis le début des violences, selon la ville, quatre policiers municipaux ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions.
♦ DÉCÈS DIRECTEMENT LIÉS AUX ÉMEUTES À NOUMÉA
Sur neuf décès recensés comme étant directement liés aux violences, quatre seraient survenus sur la commune les 15 et 16 mai à Tindu (Jybril Salo), Ducos (Stéphanie Dooka et Chrétien Neregote) et à la caserne Bailly (adjudant-chef Xavier Salou).
♦ ÉMEUTIERS
3 000 émeutiers ont été comptabilisés à Nouméa au plus fort des troubles selon les différentes déclarations du haut-commissaire (et 5 000 en périphérie). Plus récemment, 500 contre 1 000 sur les trois communes périphériques.
« UN CRÈVE-CŒUR »
Jean-Gaël Granero, secrétaire général de la ville, évoque l’état d’esprit dominant au sein de la municipalité dans ce contexte totalement inédit. La sidération d’abord. « C’est absolument invraisemblable d’assister à toutes ces destructions. Et ça continue. Un cyclone ne fait pas ça. »
La grande tristesse ensuite. « Nouméa est une ville proche de ses habitants. C’est une grande famille et on est tous très attachés à cette proximité. J’ai l’habitude de dire que nous les suivons de la naissance à la fin de vie, c’est donc un crève-cœur de voir nos outils, nos biens détruits, alors qu’ils servent aux communautés et même à ceux qui les détruisent. » Jean-Gaël Granero insiste aussi sur la destruction des structures mises à disposition des associations, qui se retrouvent à la rue.
Il observe que la crise sécuritaire a entraîné une crise économique, budgétaire, de trésorerie et qu’une crise sociale arrive. Dans ce contexte, la municipalité est obligée de s’adapter. « On est en train de se réinventer de manière accélérée, de réduire nos missions externalisées. »
Le secrétaire général salue l’attitude positive des agents qui veulent « reconstruire du lien social entre eux et entre les habitants » et le travail des policiers et des pompiers de la commune. Ces derniers qui sont « intervenus sur les feux d’une carrière en quelques jours » avec heureusement l’aide de l’État sur les sinistres, cette semaine encore.
Chloé Maingourd