[DOSSIER] Un engagement pour la mémoire

Clara Filippi effectue son doctorat avec l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et celle de la Polynésie française. © D.R.

Clara Filippi travaille sur les thématiques de la mémoire et de la réconciliation, un engagement à la fois personnel et citoyen.

Pour ses études, la jeune femme a voyagé loin. Elle a suivi une licence en sciences politiques et relations internationales à l’Université du Québec, puis un master à l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Lors de son séjour au Canada, la Calédonienne fait un constat. « Je me suis rendue compte que je ne connaissais pas mon histoire. C’est dramatique, on a 20 ans et on ne connaît absolument rien. » Cette révélation va guider ses interrogations et son travail, qui la ramènent vers sa  zterre d’origine.
En Belgique, le mémoire rédigé pendant son master a pour thème Nouvelle-Calédonie : comment réconcilier passé colonial et destin commun ? La réconciliation kanak, une marche à suivre ?
L’étudiante a envie d’aller plus loin et surtout que le sujet sorte des murs universitaires. En 2021, elle s’inscrit à Nouméa à une conférence Ted X sur Le travail de mémoire, arme de réconciliation massive. En 2022, la chercheuse monte le dispositif École de la paix où elle intervient dans des classes de primaire. « L’objectif était de former des citoyens qui sont capables d’entendre plusieurs points de vue », précise-t-elle. Un programme qui s’est arrêté avec le 13 mai 2024.
Aujourd’hui, Clara Filippi est engagée dans l’association Paroles, mémoires, vérité et réconciliation et travaille sur un doctorat où elle analyse la transmission de la mémoire des Événements et les silences qui y sont liés. « J’ai commencé à m’intéresser aux programmes scolaires. Pourquoi on ne connaît rien ? Où est-ce que c’est enseigné ? Comment c’est enseigné ?, s’interroge la chercheuse. Il y a différents types de mémoire. À l’école, c’est la mémoire officielle. Et on a les mémoires individuelles transmises par les grands-parents ou les parents. Une population qui n’a pas d’histoire officielle mais qui a des mémoires individuelles, c’est problématique. On a un conflit mémoriel. » Les événements du 13 mai 2024 ont été révélateurs. « Les gens ont ressorti les mêmes mots que pendant les années 80. »
Pour elle, le travail de mémoire et la réconciliation sont indissociables. « Il va falloir que les gens aient le courage de faire des liens », un processus qui ne peut pas avancer « sans une volonté politique ».

F.D.

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