[DOSSIER] Un devenir dans la non-violence

La situation des femmes est dramatique en Nouvelle- Calédonie. Une femme sur quatre a vécu une forme de violence, 22 % d’entre elles des brutalités physiques, une sur huit une ou plusieurs agressions sexuelles avant l’âge de 15 ans. 43 % de ces violences, physiques ou sexuelles, se déroulent dans la sphère familiale. Un dispositif permet désormais d'isoler les auteurs. Photo : Archives DNC/ YM

Deux outils majeurs dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales sont entrés en activité ces derniers mois. Assez novateur, le centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales (CPVIF), situé à Nouméa, propose depuis le mois de décembre 2024 dix places pour des prévenus ayant commis des faits de violence d’une « gravité relative ». Ils sont placés par le parquet dans le cadre de leur contrôle judiciaire en attendant leur jugement.

« L’objectif est à la fois de favoriser l’éviction du domicile du conjoint violent pour protéger la victime, préserver les enfants et de mettre en oeuvre une prise en charge pluridisciplinaire », retrace Yves Dupas, le procureur de la République. « On traite les racines de la violence pour éviter la récidive ou qu’ils passent à des actes plus graves », nous dit Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement en charge, notamment, de la protection de l’enfance et de la famille.

Ces hommes se voient proposer une aide psychologique, un soutien en addictologie, des groupes de parole, etc. et évoluent dans un cadre ouvert, rénové, très loin de ce qui pourrait les attendre au Camp-Est. « La concrétisation d’un tel concept a été possible parce que les mentalités ont changé. Cela aurait été inconcevable avant », pense Ludovic Fels, directeur du CPVIF. Il y a maintenant cette compréhension que « les auteurs actuels sont souvent les victimes d’hier et qu’il faut tout faire pour rompre ce cercle vicieux », analyse Isabelle Champmoreau.

Des centres de ce type en Métropole ou au Québec présentent des bilans satisfaisants sur les taux de récidive par rapport à ceux que l’on observe après l’enfermement. Cet outil peut donc être intéressant dans un territoire plombé par ces violences. Autre structure jugée complémentaire, l’unité médico-judicaire de proximité du Médipôle (UMJP), ouverte en septembre 2024 et inaugurée la semaine dernière, qui facilite le parcours des victimes majeures ou mineures, également « très nombreuses ».

Ces deux projets phares sont issus de la feuille de route du Grenelle contre les violences conjugales décliné ici en 2019, rappelle Isabelle Champmoreau qui s’occupait déjà de ce dossier sous le gouvernement de Thierry Santa. L’élan international #MeToo et la médiatisation d’affaires retentissantes depuis 2016 ont sûrement contribué à faire en sorte que la société s’empare du sujet.

Les Forces de l’ordre affirment qu’elles observent une libéralisation de la parole. Les crédits alloués à cette cause ont augmenté. Une enquête de l’Isee, intitulée « Cadre de vie et sécurité », spécifique au sujet et menée pour la première fois en 2021, a apporté des données chiffrées. D’autres dispositifs comme le déploiement des téléphones grave danger, des bracelets électroniques pour les auteurs de violence, les saisies d’armes systématiques préventives ou encore le centre d’hébergement d’urgence pour les victimes en province Sud ont été initiés. Selon Isabelle Champmoreau, l’ambition est maintenant de créer un meilleur maillage sur le territoire avec, par exemple, une antenne de l’UMJP à Koné.

Pour l’heure, les partenaires sont inquiets de la dégradation globale de la situation sociale qui peut constituer un terreau pour les violences familiales et de l’absence grandissante de spécialistes notamment dans la santé mentale ou l’addictologie. Aussi, le foyer Béthanie a fermé ses portes. Malgré une baisse atypique en 2024, due probablement aux blocages et interdictions sur l’alcool, le volume des violences intrafamiliales a augmenté de 56 % depuis le Grenelle, il y a près de six ans, selon le bilan de la délinquance 2024.

C.M.