[DOSSIER] Un bourao planté, un départ de feu retardé

Dans la vallée de La Coulée, l’ONG Conservation international travaille étroitement avec la commune du Mont-Dore afin de sécuriser la ressource en eau potable du site. Dans ce secteur très touché par les feux, elles multiplient les actions comme la plantation d’arbres pyro-retardants et la restauration forestière des zones dégradées.

Ils sont des alliés de taille aux côtés des soldats du feu. Les bouraos, ces arbres aux grandes feuilles rondes, ont été mis en terre à la vallée de La Coulée pour une mission bien particulière : réduire le risque d’incendie. Leurs propriétés pyro-retardantes ont convaincu l’ONG Conservation international, la mairie du Mont-Dore et les associations environnementales de se retrousser les manches en les replantant sur des hectares partis en fumée.

C’est une des solutions proposées par Conservation international pour sécuriser l’alimentation en eau potable de la vallée. « La vallée de La Coulée, c’est le château d’eau de la ville du Mont-Dore. Nous avons trois captages que nous voulons sécuriser car les incendies ont ravagé la biodiversité et impacté la ressource en eau », explique Pierre-Olivier Castex, chef du service environnement à la ville du Mont-Dore.

La municipalité s’est rapprochée de l’ONG pour travailler ensemble sur un diagnostic, entre 2020 et 2021. « On a observé tous les incendies qu’il y a eu depuis 2005. Les surfaces brûlées, d’où les feux étaient partis. On a repéré les zones déjà dégradées, où étaient les captages », précise Cédric Haverkamp, chargé de conservation terrestre à Conservation international.

Ils tentent de comprendre où sont les risques de départ d’incendie. L’ONG finit par suggérer deux grandes stratégies pour sécuriser l’eau potable dans la vallée : la prévention du risque d’incendie et la restauration forestière des zones dégradées.

DES PARE-FEUX VÉGÉTALISÉS

De là est née l’idée de planter des pare-feux végétalisés avec des espèces pyro-retardantes. Les fameux bouraos. « C’est venu de l’observation qu’on a pu faire sur le territoire. On a remarqué qu’à des endroits, il y a des arbres qui ne brûlent pas ou pas très bien. » C’est à la tribu de Haut-Coulna, à Hienghène, qu’on leur a soufflé ce secret. Une connaissance traditionnelle qui vient confirmer que des plantes peuvent être utilisées pour ralentir ou bloquer les feux. « Il y a beaucoup d’endroits où ils utilisent cette méthode. En Australie, en Chine. Ils ont fait des centaines de milliers de kilomètres de pare-feux végétalisés avec différentes espèces », souligne Cédric Haverkamp.

Dans la vallée de La Coulée, ce sont déjà près de 5 000 boutures qui ont été plantées sur 1,5 kilomètre avec les associations Caledoclean et Red Ground. « Nous avons produit la moitié des bouraos avec notre éco-jardinier Pierre Camilles », précise Pierre-Olivier Castex. Les arbres ont été placés dans des zones à risque, en bord de piste. « Le bourao se bouture très bien. On peut prendre un bâton, le planter dans la terre et ça pousse », informe Cédric Haverkamp.

Dans son plan de reboisement, la ville du Mont-Dore vise 20 000 espèces à réintroduire dans le milieu.

Même si, sur le sol minier, la croissance de l’arbre prend un peu plus de temps, le bourao se développe bien. Au point que l’ONG reste très vigilante en choisissant des individus qui n’ont pas de caractère envahissant. Elle va également bientôt réaliser des tests avec d’autres espèces pour observer leur résistance aux incendies. « On en a déjà une quinzaine qui nous semblent intéressantes. »

ACCÉLÉRER LA RESTAURATION FORESTIÈRE

L’ONG a d’ailleurs comme projet de construire un petit appareil qui va lui permettre de mesurer l’inflammabilité des espèces. « C’est comme un barbecue : on va faire chauffer les échantillons dessus et on va observer si la branche s’embrase. » En parallèle, Conservation international mène des actions de restauration forestière en semant des graines sur le site. « L’idée est de trouver des espèces qui germent facilement qu’on peut semer dans le bassin versant de Oumbéa qui a été très impacté par les deux incendies, en 2005 et 2019. »

Sud Forêt leur a fourni des graines de six espèces. Trois ont bien fonctionné. « On essaie d’introduire des espèces zoochores qui vont attirer les oiseaux. » Si l’essence parfaite n’existe pas, ces plantes possèdent tout de même des pouvoirs incroyables. Difficile de s’en passer lorsqu’il s’agit de venir à bout des incendies destructeurs. Ce que la vallée de La Coulée n’a que trop bien connu dans le passé.

Edwige Blanchon

Photos : Les associations Caledoclean et Red Ground participent régulièrement aux plantations dans la vallée de La Coulée. / DR

Un site réaménagé  et sécurisé

La commune du Mont-Dore a réalisé plusieurs travaux sur le site. « Nous avons aménagé des farés à des endroits remarquables pour faire découvrir le site et aussi pour fixer les usages », précise Pierre-Olivier Castex.

La zone a été sécurisée avec deux portails : un fermé en fonction du risque d’incendie et un autre fermé en permanence qui ne peut être ouvert que par la municipalité.

 

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