[DOSSIER] Un autre outil pour la justice

L’acte de violence peut être un geste physique (gifle, coup de poing, bousculade volontaire), un acte d’intimidation consécutif au fait de pointer une arme en direction de la victime ou encore des comportements ou propos pouvant caractériser une violence à caractère psychologique, explique le procureur. (© Archives DNC / Y.M)

La Nouvelle-Calédonie était, une fois de plus en 2023, le territoire le plus impacté par les violences intrafamiliales dans l’ensemble national. Au point qu’au Camp-Est, un détenu sur trois a été condamné pour ces faits (2023-2024). Tous les profils n’ayant pas leur place en prison, la justice se mobilise pour développer des outils parallèles, comme le CPVIF.

Le centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales ou CPVIF développé sous l’impulsion du Spip (service pénitentiaire d’insertion et de probation) et de la Rapsa (association de réinsertion des anciens prisonniers) permet d’éviter « la double peine » aux victimes : la souffrance d’être agressée et celle de devoir quitter son domicile pour se protéger, souvent avec les enfants, et un risque de déscolarisation.

« Le placement au sein de cette structure est une mesure de contrôle judiciaire ordonnée par le juge des libertés et de la détention, détaille le procureur de la République, Yves Dupas. Elle est requise par le parquet après une enquête sociale et familiale réalisée par l’Adavi, l’association d’aide aux victimes, bien souvent durant le temps de la garde à vue. »

Les individus en situation de primo-délinquance sont généralement ciblés. Les faits les plus graves sont « écartés », ils appellent une comparution immédiate. De même, les « personnes contestataires » n’y ont pas leur place.

Durant le placement, l’insertion professionnelle est préservée, notamment pour maintenir la situation financière de la famille. Le prévenu peut aussi participer à ses frais d’hébergement (10 % de ses revenus). Il y a des mesures d’interdiction de contact avec la victime, d’apparaître à son domicile. Le placement est ordonné jusqu’à l’audience qui intervient, en général, quatre à cinq mois après le déferrement, maximum six mois.

Ce séjour permet à la justice d’apprécier plusieurs éléments dont « la reconnaissance des faits, la prise de conscience de leur gravité », souligne Yves Dupas. Le tribunal dispose d’un rapport et tient compte dans le prononcé de la peine de l’évolution et de l’investissement du prévenu. Pour le procureur, « les premières observations sont positives, par la dynamique collective qui est mise en place ».

Dans le cadre de mesures alternatives du parquet en matière de violences intrafamiliales, la justice peut aussi ordonner, à titre de peine ou de sursis probatoire, des stages de responsabilisation de deux jours par le biais du Relais de la province Sud. 1 300 mesures de ce type auraient été ordonnées depuis le mois de février et 650 personnes auraient suivi ce stage dont le coût est de 7 500 francs. 15 téléphones « grave danger » permettant à la victime d’appeler les secours à tout moment sont aussi disponibles. Neuf sont en fonctionnement actuellement.

« Moins évident », le bracelet anti rapprochement a été mis en œuvre à plusieurs reprises. Face à la multitude d’auteurs, le pragmatisme doit être de mise. Selon le directeur du CPVIF et de la Rapsa, Ludovic Fels, le coût de la détention est de 20 000 à 25 000 francs localement (15 000 francs au niveau national), quand le prix à la journée au centre est de 5 400 francs avec un séjour « optimisé ».

C’est également un plus pour le Spip qui est débordé avec 60 à 80 détenus par agent en milieu fermé (594 prisonniers) et des chiffres qui explosent en milieu ouvert avec 120 personnes suivies par agent (2 900 personnes au total en milieu ouvert). Les peines alternatives apparaissent donc utiles pour des publics ciblés.

Chloé Maingourd