La société civile, désireuse de participer à la réflexion autour du changement de modèle, se montre impatiente de passer à l’étape des réalisations concrètes.
À en croire Christopher Gygès, la forme est au moins autant importante que le fond. « Montrer l’unité calédonienne » dans une démarche « collective ». « Le plan S2R doit être porté par l’ensemble de la classe politique et de la société civile. » Pour cela, le gouvernement consulte largement. L’exécutif a sollicité le Cese, Conseil économique, social et environnemental, afin qu’il apporte ses propositions.
Premier impératif, estime l’institution, la reprise des discussions. « Un accord politique est un préalable évident », déclare Jean-Louis d’Anglebermes, son président. Parmi les nombreuses préconisations, un travail spécifique a été mené sur la participation citoyenne et l’évaluation des politiques publiques, qui doit devenir « systématique ». Il est nécessaire de « se poser régulièrement la question de ce qu’on peut améliorer », affirme Hatem Bellagi, membre du Cese.
Celui qui préside le cluster numérique Open NC et La French Tech Nouvelle-Calédonie insiste aussi sur la restauration de l’attractivité du territoire et le volet social. « Il faut se pencher sur les inégalités, augmenter la valeur ajoutée commune globale et avoir une attention particulière pour ceux qui ont des freins. »
« PASSER LES RÉFORMES LE PLUS TÔT POSSIBLE »
Sans aucun doute, la fiscalité constituera un chapitre capital de la refondation. Présidente du Medef-NC, Mimsy Daly énonce plusieurs demandes dans ce domaine, en vue « d’améliorer la compétitivité des entreprises ». Entre autres, baisser les cotisations et transférer les prélèvements vers la fiscalité, ce qui doit permettre d’augmenter les salaires. Il s’agirait aussi de « radicalement simplifier » le fonctionnement des taxes et impôts, en réduisant les 150 dispositifs existants à une dizaine, pour davantage de « lisibilité ».
Du côté des syndicats, également reçus par l’exécutif, Jean-Marc Burette, secrétaire général de l’Usoenc, relève quatre axes fondamentaux, « les premières dépenses des ménages », à savoir le logement, le transport « sans lequel l’activité ne pourra repartir », l’alimentation et « la cherté de la vie », ainsi que la santé. « C’est par la croissance que l’on va sauver la Nouvelle-Calédonie », souligne Jean- Marc Burette, qui craint que « l’impact social dans trois – quatre mois ne soit sous-évalué ».
Mimsy Daly veut aller vite « pour passer les réformes le plus tôt possible », mentionnant, à titre d’exemple, un texte qui émane du Conseil du dialogue social, prévoyant une réduction des délais de carence afin de limiter les arrêts maladie de courte durée.
D’où le besoin, considère la cheffe d’entreprise, de mettre en commun les travaux fournis dans le cadre du plan S2R et ceux réalisés au Congrès autour du plan quinquennal de 500 milliards de francs. « Afin d’obtenir les arbitrages de l’État, nous devons coordonner les efforts, asseoir une cohérence. Nous sommes dans l’attente d’un document conjoint à présenter à Paris pour nous y rendre. »
L’AGRICULTURE, UN LEVIER
Dans cette refonte, Jean-Christophe Niautou, président de la CAP-NC, Chambre d’agriculture et de la pêche, pilote le dossier de la transition, de la sécurité et de la transformation alimentaire en partenariat, sur ce point, avec la Finc. « Un des piliers », juge-t-il, alors que le secteur est contraint de se réorganiser.
20 000 m2 de surface commerciale détruits, des clients en moins avec les départs du territoire, la baisse du pouvoir d’achat, etc., autant d’éléments qui ont conduit la CAP-NC à « développer des marchés de proximité » afin d’écouler la production. Au parc Fayard une fois par semaine depuis le mois de juillet, à Ducos avec le marché broussard le mercredi après-midi à partir du mois d’octobre, et sur VKP, un projet est en cours.
L’ambition, désormais ? Grimper de 20 % de couverture alimentaire à 50 %. Et organiser la transformation des produits frais. Outre les consommateurs, les cantines scolaires sont ciblées, ce qui représente environ 60 000 repas par jour, précise Jean-Christophe Niautou, pour seulement 12 % de produits locaux. « C’est un effet de levier phénoménal ». Un premier essai est prévu dès cette année avec la surgélation de plusieurs dizaines de tonnes de squashs coupées en cubes. Un exemple concret qui pourrait inspirer.
Le gouvernement a la tâche de compiler l’ensemble des suggestions dans un même document, avec l’accord de tous. « Nous ne sommes plus dans du dogme, mais dans une réalité économique et sociale assez brute qui s’impose à nous », analyse Mimsy Daly. « Des équilibres soutenables » peuvent être trouvés. Hatem Bellagi croit en « l’intelligence collective ». « L’état d’esprit est consensuel, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut construire ensemble. »
Anne-Claire Pophillat