Les dernières décisions d’Eramet pourraient laisser entrevoir la perspective d’une cession partielle de sa participation dans une SLN en grande souffrance. L’État, financeur désormais de la filiale calédonienne, aura son mot à dire.
Le refrain a tourné à Paris. Manuel Valls, alors ministre d’État, ministre des Outre-mer, a livré un commentaire nouveau, jeudi 3 juillet, en ouverture des collèges économiques et sociétaux, lors du sommet pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. « Le retrait d’Eramet du capital de la SLN marque une rupture. Mais c’est aussi une opportunité : celle de repenser en profondeur la stratégie nickel du territoire. »
Trois mois plus tard, mardi 14 octobre, sa successeure rue Oudinot, Naïma Moutchou, a repris les mêmes mots, en visioconférence, à la première réunion plénière organisée dans le cadre du pacte de refondation économique et financière, ajoutant au passage qu’une réflexion doit désormais porter sur « une stratégie unifiée à l’échelle du pays ».
L’écho vient des hautes sphères de l’État, lui-même actionnaire d’Eramet à hauteur de 27 %, une participation dans le but de protéger les activités stratégiques françaises. Des bruits réguliers sur un potentiel départ du groupe tricolore de Nouvelle-Calédonie sont entendus depuis l’enchaînement des déficits de la SLN ou le lancement de la production de nickel à Weda Bay, en Indonésie, en 2020, avec la société locale PT Antam et le Chinois Tsingshan. Et des faits les ont amplifiés : refus de la maison-mère de financer davantage la Société Le Nickel, propos de la PDG d’alors, Christel Bories, dans le Financial Times sur le Caillou « purement minier », démission de son mandat d’administratrice de l’entreprise à Doniambo, fin de la prise en compte de l’activité de la SLN, « car les pertes de l’entité sont intégralement financées par l’État français en 2024 et 2025 »… Un État qui tient à bout de bras le premier employeur privé de Nouvelle-Calédonie avec 1 900 salariés.
JSL ENCORE
À ce stade, néanmoins, Eramet n’a pas annoncé officiellement une rupture avec l’archipel. Sa présence au capital de la Société Le Nickel s’élève toujours à 56 %. Le nouveau directeur général du groupe, Paulo Castellari, a même insisté, lors de sa visite début septembre, sur la nécessité de performance et la sécurité dans l’enceinte industrielle calédonienne.
Toutefois, « si Eramet veut vendre une partie ou la totalité de ses actions, il le fera », estime un fin connaisseur des affaires nickélifères du territoire. Une cession partielle de la participation, autrement dit l’arrivée d’un ou de plusieurs actionnaires en complément, est une voie imaginable. Déjà intéressé par une reprise éventuelle des parts de Glencore dans le Nord, l’opérateur indien Jindal Stainless Limited, ou JSL, spécialisé dans la fabrication d’acier inoxydable, aurait fait des propositions à Eramet et à la SLN sans véritablement convaincre, les discussions pourraient reprendre.
La multinationale de Christel Bories resterait donc, conserverait sa position ‒ construite en 1985 ‒ sur les activités métallurgiques et surtout minières en Nouvelle-Calédonie, aux côtés de la STCPI, la société des trois provinces, du Japonais Nisshin Steel et de l’Agence des participations de l’État (APE), mais l’arrivée d’un ou de quelques acteurs apporterait de l’oxygène à une « vieille dame » en souffrance.
Après une perte de 22 milliards de francs en 2024, la filiale établie à Doniambo va connaître un nouveau déficit cette année, évalué autour de -25 milliards, d’après les échos, pour une production estimée à 35 000 tonnes. Les exercices sont déficitaires depuis 2012. La trésorerie pourrait tenir jusqu’à la fin de l’année, voire au début 2026. Ensuite, une nouvelle aide de l’État sera nécessaire pour maintenir l’usine et ses centres miniers à flot.
Cette perspective ne s’inscrit pas cependant que dans la seule dimension industrielle de la SLN. D’autres paramètres entrent en jeu désormais, tels que la signature ou non d’un accord sur l’avenir institutionnel du territoire et la définition ou non d’une stratégie pour le nickel à l’échelle calédonienne. Une ambition de rapprochement entre Doniambo et Vavouto fut évoquée il y a quelques mois. Mais les deux sites ne partagent pas forcément la même vision.
Yann Mainguet
Prony Resources toujours en vue de NBM

Baptisé NBM, un consortium, composé de financiers qataris et émiratis ainsi que de personnalités ayant travaillé pour des groupes miniers français, étudie le rachat de 74 % maximum du capital de Prony Resources New Caledonia dans le Sud. La période d’exclusivité pour les négociations avec ce groupement dénommé New Battery Metals et pour l’étude de l’offre par l’État, a été prolongée jusqu’au 31 décembre prochain. « Nous restons confiants sur une issue favorable, a admis mardi 7 octobre, Thibaut Martelin, président de PRNC. Nous recherchons une surface financière suffisante pour faire face à des fluctuations du marché ou des besoins d’investissements massifs. »
Après les 16,7 milliards de francs en 2024, PRNC s’est vu accorder un nouveau prêt de l’État de cinq milliards en avril, puis d’une somme équivalente en juillet. La société dispose encore d’une réserve financière pour tenir « au moins » jusqu’à la fin de l’année, a reconnu Thibaut Martelin.
Les discussions sur le rachat de 74 % du capital ne devront pas toutefois s’éterniser, a indiqué DNC dans son numéro 944.

