En mai 2019, l’arrivée de Jacques Lalié à la présidence des Îles se démarque par une nouvelle ambition pour les Loyauté.
L’élu de l’Union calédonienne entame son mandat avec une innovation, un discours de politique générale prononcé en juillet, une première dans une institution provinciale. Une « feuille de route concertée » qui repose sur quatre piliers : jeunesse, enseignement, économie et conditions de vie. Après la conduite sage de son prédécesseur Néko Hnepeune, Jacques Lalié entend bien réaliser une « réorganisation de l’administration et de nos satellites pour une gestion plus politique de l’institution ».
Les grands projets sont posés : Wanaham deviendra « un aéroport international de relais », l’hôtel de Wadra Bay passe de 4 à 5 étoiles… Parfois décriées, ces idées marquent cette présidence par leur envergure, mais aussi par leurs coûts et leurs retards. Jacques Lalié garde le cap. Dans le rapport d’activité de la province des Îles 2023, le président écrit en introduction : « Durant la mandature, nous avons fait preuve d’une vision audacieuse et d’une politique de changement résolument axée sur la mise en place d’une stratégie de développement ».
Une démarche qui devait passer par une réforme « de la Sodil et ses pôles d́’activité afin qu’elle accompagne véritablement le développement économique tant attendu aux îles », a-t-il affirmé lors du discours de politique général. Pour y arriver, le Drehu ne s’interdit aucune solution. C’est ainsi qu’il a annoncé, début janvier 2024, son souhait de se rapprocher d’un privé pour assurer la liaison maritime des îles, au détriment du Betico 2, navire d’une filiale de la Société de développement des îles Loyauté. La réaction des salariés n’a pas tardé.
Cette « vision audacieuse », Jacques Lalié, injoignable ces derniers jours, ne la mènera finalement pas à terme. Par un arrêt du 26 novembre, la cour d’appel de Nouméa l’a condamné, pour une affaire de favoritisme dans l’attribution d’un marché public, à un an de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité et a assorti cette sanction de l’exécution provisoire. Un arrêté du haut-commissaire entérine le 29 novembre la démission d’office de ses mandats d’élu. « C’est un assassinat politique, a déclaré l’élu loyaltien au micro de RRB, le 26 novembre. J’ai l’impression qu’on me fait porter tous les maux des événements. […] Ce n’est plus la justice coloniale, c’est l’injustice coloniale. »
Au calendrier judiciaire s’est ajoutée la publication le 18 novembre d’un rapport cinglant de la Chambre territoriale des comptes sur les exercices 2018 et suivants. Le document pointe notamment « un certain nombre de lacunes » et « une situation financière et de trésorerie très tendue ».
ET MAINTENANT ?
Jacques Lalié sort par la petite porte et laisse derrière lui un bilan contrasté, dont les finalisations de grands chantiers (le pont de Lekine, le Wadra Bay, un code de l’environnement innovant, etc.) sont éclipsées par ses déclarations publiques et ses déboires judiciaires. Pourtant épargnée par les destructions des émeutes du 13 mai, la province des Îles se trouve aujourd’hui face à un horizon embrumé. L’institution en elle-même doit se donner un nouveau cap en élisant un ou une présidente, mais qui et avec quelle majorité ? Les dissensions entre pro et anti Lalié ont laissé des traces.
Un autre défi, plus important, attend les élus : l’établissement et le vote du budget 2025. Comment le construire avec des finances provinciales en berne, une situation budgétaire calédonienne précaire et un gouvernement central sur le fil ?
L’outil de développement est lui aussi grippé. Les filières de la Sodil sont dans le rouge depuis plusieurs mandatures et le contexte global freine, voire bloque, des leviers économiques comme le tourisme, particulièrement ceux orientés sur l’international. Et donc l’InterContinental Lifou Wadra Bay Resort, qui n’a même pas ouvert ses portes au public.
Effet inattendu des émeutes, des Drehu, des Iaai et des Nengone sont revenus dans leur île d’origine. De nouvelles perspectives s’ouvrent aux Loyautés, mais elles restent à définir et à être accompagnées.
F.D.