Les crises requins ont déclenché des programmes d’actions spécifiques. Des dispositifs parfois pénalisés par les actuelles réductions budgétaires.
- PLAN
Le P3R, marqué par les actuelles contraintes budgétaires et opérationnelles, est malgré tout toujours en vigueur. Le gouvernement, le haut-commissariat, la province Sud, la mairie de Nouméa et le port autonome ont signé en mai 2023 une convention de partenariat « pour une gestion concertée de la réduction du risque requin », selon l’exécutif. Ce document vient formaliser « les engagements pris par chacune de ces institutions compétentes dans le cadre du plan de réduction du risque requin (P3R), qui a vu le jour en 2019 ».
- FILETS
Deux barrières anti-requin, composées d’anneaux en acier, ont été installées à Nouméa. Tout d’abord, au niveau de la baie des Citrons en novembre 2023, ce qui en fait « la plus grande zone de baignade protégée au monde », selon la mairie. Pas moins de 758 mètres linéaires de filet ont été posés. Le coût de l’opération s’est élevé à 100 millions de francs. L’État est intervenu à travers une subvention à hauteur de 41 millions. La plage du Château Royal a bénéficié en septembre 2024 de la deuxième installation, longue de 390 mètres. Une surface de 2,7 hectares est sécurisée.
Ces dispositifs rassurent. « Nous le voyons, les Nouméens se baignent, tout comme les croisiéristes », observe Jean-Gaël Granero, secrétaire général de la ville. « Les barrières sont surveillées par des nageurs sauveteurs depuis leur mise en place. » Un troisième projet, prévu à l’anse Vata et attendu à l’origine début 2025, est repoussé en raison de « la situation budgétaire » de la collectivité. Ce programme de la mairie s’est accompagné d’un plan de prévention toujours en cours. Interdiction de jeter les restes de nourriture dans le lagon, consignes de baignade, etc. Une cinquantaine de panneaux d’information sur les risques requins ont, entre autres, été disposés au niveau de l’ensemble des baies.
Par ailleurs, la commune de Koumac s’est dotée début 2023 d’une « piscine en mer » à Pandop. Un équipement flottant sécurisé de 25 mètres.
- LA RÉUNION
Basé sur l’île de La Réunion, le groupement d’intérêt public Centre Sécurité Requin a pour objet « de conduire ou d’accompagner toutes actions tendant à la réduction du risque requin ». La province Sud et la ville de Nouméa avaient signé une convention avec ce GIP. Le coût de la participation a atteint 14 millions de francs répartis à charge égale. Une des priorités de 2025, selon la Maison bleue, est de « tirer davantage parti » de cette collaboration « pour maintenir un haut niveau technique et favoriser le transfert de savoir-faire international ». Ce que confirment les services de Nouméa.
- ÉTUDE
Annoncée le 29 avril 2024, une étude, étayée par une convention entre la province Sud, l’Institut de recherche et de développement et l’État, était qualifiée d’inédite. Pendant quatre ans, une équipe de l’IRD allait observer 200 requins-tigres et bouledogues au large du littoral provincial. L’idée : mieux connaître le comportement de ces squales. Ces analyses permettraient ainsi d’orienter les décisions des pouvoirs publics. Chiffrée à 194 millions de francs, cette étude, qui devait être financée à 75 % par l’État et à 25 % par la province Sud, est aujourd’hui arrêtée sur décision de la Maison bleue pour des raisons budgétaires.
- DÉTECTION
La procédure de détection de la présence de grands squales, mise en œuvre avec la Direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR), les communes et le Centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (COSS), s’est avérée efficace, selon les partenaires. L’objectif, en cas de signalement, est de déclencher une coordination rapide afin de limiter le danger pour les usagers.
- LIVRET
Conçu par le Centre d’initiation à l’environnement (CIE) via un financement de la province Sud, un livret pédagogique Requin, destiné à sensibiliser les élèves des établissements scolaires, sera diffusé cette année.
- HYDROPHONES
Sur le plan scientifique, la pose de 44 hydrophones autour de Nouméa permet d’analyser les déplacements des requins-bouledogues. Ces dispositifs ont toutefois montré des limites importantes en 2024, remarque la province Sud. Le nombre de requins marqués a diminué en raison des abattages réalisés dans le cadre des campagnes antérieures, mais également de l’éloignement de certains squales hors des périmètres définis. L’étude est ainsi plus complexe.
- CONTENTIEUX
La ville de Nouméa a mené dix campagnes de pêche post-attaques et préventives en 2023 : 127 requins ont été « euthanasiés », 44 bouledogues et 83 tigres. Il y a également eu 213 prises accessoires, « en général des gris à haute nageoire », avait indiqué la chargée de projet littoral à la mairie. L’association EPLP, Ensemble pour la planète, a eu gain de cause dans le cadre de son recours auprès du tribunal administratif demandant de mettre un terme à cette pratique. Une procédure d’appel est en cours.
- PERSONNALITÉ
Ce vote était une première en France. Par une délibération du 29 juin 2023, la province des îles Loyauté accordait aux requins et aux tortues le statut d’« entité naturelle juridique ». Ces animaux respectés dans la culture kanak peuvent ainsi défendre leurs droits devant un tribunal par l’intermédiaire de représentants définis. Des cas similaires existent dans le monde, comme en Nouvelle-Zélande, où un fleuve bénéficie de cette reconnaissance. L’État a attaqué le texte de la PIL au motif du défaut de compétence. Par une décision du tribunal administratif l’an passé, le texte a été annulé.
Yann Mainguet