[DOSSIER] Prise de court, l’école doit s’adapter

Le lycée Lapérouse, à Nouméa, a connu plusieurs départs et arrivées d’élèves depuis sa réouverture. (© F.D.)

La majorité des élèves et des enseignants ont aujourd’hui retrouvé le chemin de l’école. Son fonctionnement reste perturbé par les destructions et les mouvements de population.

Sur la photo de classe de la rentrée 2024 se trouvaient plus de 63 000 élèves, répartis dans le primaire et le secondaire, public et privé. Un mois et demi avant la fin de l’année scolaire, le cliché a bien changé. Écornée par endroits, brûlée à d’autres, la photo présente de nombreux visages effacés. Les chiffres ne sont pas encore définitifs, mais la Nouvelle-Calédonie a bel et bien perdu des élèves. Et de nombreux mouvements ont eu lieu, entre établissements et entre provinces. Des familles ont quitté l’agglomération par sécurité ou pour motifs économiques.

Dans le secondaire public, « 636 élèves scolarisés en mai 2024 en Nouvelle-Calédonie ont poursuivi leur scolarité dans l’Hexagone ou en outre-mer », confirme Didier Vin-Datiche, le vice-recteur, qui modère : « C’est près de trois fois plus qu’en 2023, mais relativement faible tout de même en pourcentage (2 %) par rapport à la population totale scolarisée ». Il note par ailleurs « 685 mouvements internes au territoire, surtout de l’intra province Sud avec 445 cas. Il n’y a pas de tsunami d’élèves dans les Îles ». Certains établissements ont été plus touchés que d’autres, le vice-rectorat a noté un flux du collège de Tuband vers Jean-Mariotti et du lycée Dick-Ukeiwë vers Lapérouse. Dans le primaire public, le syndicat enseignement UT CFE-CGE observe « plus de 1 000 élèves partis de la province Sud, un peu moins de 600 ont quitté le territoire, 300 sont partis vers les Îles et 100 vers le Nord ».

DES TAUX DE PRÉSENCE VARIABLE

Avec une vingtaine d’écoles et une dizaine de collèges et lycées partiellement dégradés ou détruits lors des émeutes, les élèves restants ont-ils aujourd’hui retrouvé le chemin des classes ? « Tous nos établissements ont repris une activité quasi normale, excepté peut-être encore au Mont-Dore, assure Didier Vin-Datiche. Tous nos collèges ont repris une activité normale. Et en lycée pratiquement aussi. » Une réussite due à l’engagement du personnel éducatif et de parents d’élèves, mais qui a nécessité des adaptations. Dont le transfert d’élèves et d’enseignants vers d’autres structures.

Des enseignants regrettent toutefois que le compte n’y est pas en lycée professionnel. Pour preuve, un professeur ouvre l’application Pronote et pointe les absents : « Lundi 21 octobre, une classe de terminale. Elle, je ne la vois plus depuis le 13 mai. 1, 2, 3, 4, 5, 6… Ah non, elle, elle est revenue. 5, 6 ». Bilan : « Sur une classe de 30 élèves, j’en ai six que je ne revois plus et on est à quatre semaines de la fin de l’année. » Le vice-recteur reconnaît qu’en « filière professionnelle, le taux de retour est moindre et notamment dans des classes type CAP ». Pour l’union des groupements de parents d’élèves, « dans certaines classes, c’est presque dramatique, des élèves se sont découragés ».

Dans l’enseignement privé, la situation est sensiblement différente. « Pour l’heure, 82 % des élèves ont repris le chemin de l’école. Les cours ont pu reprendre dans la plupart des établissements début juillet, observe l’UT CFE-CGE. En revanche, les internats sont restés fermés pour la plupart des élèves et ont rouvert courant août seulement pour les classes à examen. »

Les causes de désaffection sont multiples avec de véritables abandons, mais aussi des obstacles pour aller en cours. « Nous avons beaucoup de difficultés avec nos étudiants qui empruntaient les lignes Tanéo », observe la Fédération des fonctionnaires. Des causes extérieures au système éducatif, mais qui influent sur la scolarité des élèves. C’est le cas avec les stages. Le syndicat UT CFE-CGE signale : « Les entreprises qui sont censées accueillir des stagiaires ne veulent plus d’élèves. Encore plus quand elles ont subi des dégradations. Il y a une colère qui gronde ». Une situation qui alerte le vice-recteur : « Il va falloir probablement réduire les durée réglementaires de PFMP [périodes de formation en milieu professionnel], notamment pour obtenir les examens ».

Autant de défis et d’obstacles qui nécessitent une implication bien au-delà des murs de l’école, des institutions jusqu’aux parents d’élèves.

Fabien Dubedout