Saccagée durant les émeutes de 2024, la Vallée-du-Tir n’est plus que l’ombre d’elle-même. La quasi-totalité des infrastructures publiques ont été incendiées, et certains habitants sont en situation de grande précarité.
Des deux côtés de la rue Édouard Unger qui traverse la Vallée-du-Tir, quelques personnes marchent en direction du centre-ville. Depuis la crise de 2024 et l’arrêt des rotations de bus dans cette partie de Nouméa, « on fait tout à pied », affirment Nathan, Vincent et Paul*, habitants du quartier.
Âgés d’une vingtaine d’années, ils assurent s’être « bien adaptés » au nouveau visage de la Vallée-Du- Tir, mise à mal durant les émeutes. « C’est surtout pour les personnes âgées que c’est compliqué… Il n’y a plus de pharmacie, plus de docteur, plus de BCI. »
« TOUT EST DIFFICILE »
Les séquelles des émeutes sont toujours visibles : les feux tricolores ne fonctionnent plus et mis à part la superette Chez Vincent et la boulangerie Chez Peggy, aucune structure, ou presque, n’est ouverte.
Assise sur les ruines d’un ancien commerce, Jesse, sexagénaire, l’affirme : « Tout est difficile ». Ce matin, sa voiture est tombée en panne. Avant le 13 mai 2024, le problème aurait facilement été résolu : elle aurait loué un véhicule au concessionnaire Mazda, situé au cœur de la Vallée-du-Tir. Plus maintenant. La structure, incendiée aux premiers jours des émeutes, a été démolie. « C’est dommage, on est obligés de se déplacer plus loin pour chaque chose », regrette Jesse.
ZÉRO FRANC
Murs noircis, tags, portails abîmés… Plus haut dans la Vallée-du-Tir, certaines maisons portent encore les stigmates des exactions commises il y a un an. Avec ce qu’il s’est passé, « plus personne ne peut envisager d’acheter ici maintenant », assure Nathalie*, qui avait pour projet, avant les émeutes, de vendre sa maison. Estimée à 45 millions de francs au départ, cette dernière a perdu 70 % de sa valeur. « On nous a même dit qu’elle valait zéro franc… ».
Malgré l’incendie récent d’une maison abandonnée rue Paul Bert, la sécurité semble néanmoins être revenue. « En tout cas, moi, je ne me sens plus en insécurité, précise Nathalie*. Rien ne nous empêche de sortir le soir et de rentrer tard ou de partir très tôt le matin quand il fait encore nuit […] En revanche, c’est psychologiquement plus compliqué lorsqu’on part en vacances. On a toujours une petite angoisse, car c’est difficile de trouver quelqu’un qui veuille garder la maison… »
Par précaution, elle a fait le choix d’en- voyer toutes ses affaires de valeur – albums photos, tableaux, etc. en Métropole. « Ainsi, on se dit : même si on se fait cambrioler, au moins, ça, c’est sauvé. »
Une autre réalité s’opère dans le quartier depuis plusieurs mois : celle de la précarité. À l’image, sans doute, d’autres quartiers populaires de Nouméa. Bénévole de l’association La voix des exclus, qui distribue des repas aux personnes sans abri et les accompagne vers la réinsertion professionnelle, Hélène est témoin des difficultés que vivent ces habitants. « Avant, ici, c’était déjà pauvre et délaissé, explique-t-elle. Mais là, ça a empiré » : beaucoup de jeunes sont déscolarisés et « traînent dans le secteur », la demande en nourriture a « bien augmenté », tout comme le nombre de personnes sans logement. « Ils ne vont pas le crier sur tous les toits, mais ils sont bien là ».
Nikita Hoffmann