Dossier : Politique de l’eau : l’heure de l’action

La plus précieuse des ressources est « vulnérable », « menacée ». Ce constat fait l’unanimité depuis l’adoption de la Politique de l’eau partagée (PEP), en 2019. Trois ans plus tard, le gouvernement prépare une loi pour donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens de réaliser les 700 actions prévues.

 

À La Foa, on craint les dégâts du cerf

Pour préserver la plus précieuse des ressources, une vingtaine de bénévoles agissent au sein du Conseil de l’eau de La Foa, Farino et Sarraméa. Près du captage de Dogny, la destruction de la végétation est vue comme une menace pour la qualité de l’eau et la biodiversité.

Les yeux rivés sur le chronomètre, les organisateurs du Forum de l’eau commencent à transpirer. Dix fois, ils tentent de lui reprendre la parole. Dix fois, Régis Duffieux promet de conclure rapidement. Hilares, buvant chacune de ses paroles, les spectateurs ne font rien pour stopper le flot de ses paroles. Il pourrait parler jusqu’à la nuit des actions du Conseil de l’eau de La Foa, Sarraméa et Farino.

Sous sa houlette, une vingtaine de bénévoles se démènent pour préserver le bassin versant. Les rives de la Fo Moin, au village, ne sont plus un dépotoir, mais un jardin botanique qui s’enrichit chaque jour, alimenté par la pépinière créée par le Conseil de l’eau.

Désormais, la principale inquiétude du président se situe bien plus haut, sur les pentes du plateau de Dogny.

« Le bassin versant est très dégradé »

La conduite d’eau qui alimentait La Foa est hors service depuis près d’un an, la faute à la chute d’un rocher. Si le pompage des eaux souterraines assure l’alimentation du village, à plus long terme, la situation est « inquiétante ». « Le bassin versant est très dégradé par la présence de cerfs, qui dénudent le sol. Dès qu’il pleut, l’eau est très sale et il y a un risque bactériologique. »

Le Conseil de l’eau a mené une petite étude avec sept jeunes des tribus de Koindé et de Dogny, venus en renfort pour inspecter les lieux. Régis a vu des cadavres de cerf dans l’eau. Des pans de montagne « qui commencent à s’effondrer ». Les poussières qui dégringolent « colmatent la rivière, empêchent les poissons de se reproduire ». Bref, « c’est mauvais pour la biodiversité et demain, il n’y aura peut-être plus d’eau là-haut. C’est une menace. »

« On n’aura plus que nos yeux pour pleurer »

« J’ai l’impression que beaucoup de gens prennent encore la question de l’eau à la rigolade », regrette Vanessa Smith, trésorière du Conseil de l’eau, par ailleurs élue au sein de la majorité municipale à La Foa. « Mais si un jour il faut l’acheter au magasin, on n’aura plus que nos yeux pour pleurer. » Du côté de Poum, sa famille, qui y est installée, vit cette situation critique depuis de longues années. Dans d’autres communes comme Thio et Dumbéa, Vanessa Smith se souvient de rivières bien plus généreuses. « On est devant une ressource qui s’épuise. »

Une sensibilisation du grand public lui paraît toujours nécessaire, mais les moyens de la structure sont limités. L’unique subvention vient de la mairie de La Foa, 300 000 francs par an. « On est très satisfaits de l’association qui fait un gros travail de terrain et qui nous signale les pollutions », indique Nicolas Metzdorf, le maire. Les actions dépendent essentiellement des bonnes volontés. « Je voudrais donner davantage, mais je n’ai pas vraiment le temps, regrette Vanessa Smith. Il nous faudrait plus de bénévoles », dont l’énergie n’est pas une ressource inépuisable, elle non plus.

 


Trois conseils en Nouvelle-Calédonie

Le premier Conseil de l’eau est créé à La Foa, Sarraméa et Farino en 2007, après des années de sécheresse, sous l’impulsion du regretté Raymond Guépy. Celui de VKP, en province Nord, est lié à la création de l’usine métallurgique et aux questions d’aménagement du territoire qui en découlaient. Enfin, le Conseil de l’eau de Téné, à Bourail, vient de la nécessité pour un groupe d’agriculteurs de partager l’eau de la rivière.

 

Gilles Caprais (© G.C.)