[DOSSIER] Paris sème des craintes financières

Une dissolution de l’Assemblée nationale est l’un des pires scénarios pour la Nouvelle- Calédonie. (©Telmo Pinto NurPhoto / AFP)

Les membres du gouvernement calédonien prient pour une proche sortie du marasme politique dans la capitale. Car ses répercussions pourraient engendrer d’importantes difficultés économiques et budgétaires.

En plein chaos, le Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, a défini deux urgences « qui s’imposent à l’ensemble de la classe politique ». L’adoption d’un budget pour l’État et pour la sécurité sociale, ainsi que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Ce qui a réjoui Calédonie ensemble, espérant l’adoption de la loi sur le report des élections provinciales en 2026 et des avancées dans l’examen du projet d’accord de Bougival. « C’est un signal fort » a reconnu, de son côté, le député Nicolas Metzdorf. Tandis que le FLNKS, mécontent, a appelé « les parlementaires à ne pas faire de la Nouvelle-Calédonie un enjeu de leurs luttes politiques internes, et à refuser toute logique de passage en force ».

Une petite musique commence à tourner : que l’archipel tombe dans un vide juridique « électoral », c’est-à-dire qu’il serait trop tard pour organiser un scrutin provincial avant le 30 novembre prochain en raison du temps nécessaire de révision des listes et de campagne, et qu’il serait impossible de reporter ces élections en 2026 à cause des répercussions du cataclysme politique national sur la mécanique législative à Paris.

BLOCAGE

Au-delà de la menace réelle sur le calendrier institutionnel, un risque pèse sur les intentions budgétaires en Nouvelle-Calédonie. Mardi 14 octobre, doit se tenir la première séquence plénière de rédaction du « pacte de refondation économique et financière » avec le gouvernement calédonien et la mission interministérielle pilotée par Claire Durrieu. Un certain nombre d’investissements à court terme sera identifié dans le but d’être proposé à l’inscription du projet de loi de finances 2026. Vu le marasme à Paris, une conséquence possible est le blocage de l’opération « rapidement », craint Christopher Gygès, porte-parole du gouvernement calédonien en charge des secteurs de l’économie et de la fiscalité.

Or, avec une chute record du produit intérieur brut de 13,5 % en 2024, toute action en faveur d’une relance est vivement attendue. En outre, le territoire aura certainement besoin d’un nouveau soutien financier de l’État pour boucler son budget primitif 2026. Une somme de 20 milliards de francs a minima comme dotation d’équilibre est évoquée. De même, si l’élaboration et le vote du projet de loi de finances 2026 national sont retardés, la Nouvelle-Calédonie se trouvera en bien grande difficulté pour assurer ses financements et missions.

Quelles que soient les péripéties politiques dans la capitale, « nous travaillons en temps masqué pour être prêts au maximum quand la situation se débloquera » à Paris, ajoute Christopher Gygès. La dissolution de l’Assemblée nationale étant le pire des scénarios pour l’archipel dans ce contexte budgétaire hyper contraint. Tout comme d’ailleurs l’exercice d’un gouvernement en affaires courantes pendant près de deux mois.

SECONDE TRANCHE SAUVÉE

Point positif, le versement de la seconde tranche du prêt garanti par l’État, d’un montant de 28,6 milliards de francs, ou 240 millions d’euros, examiné au Congrès jeudi 9 octobre, ne serait pas affecté. Sitôt le vote effectué en assemblée, la signature des conventions interviendra le lendemain, vendredi, pour un décaissement de l’Agence française de développement (AFD) la semaine suivante.

En outre, la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie ne devrait pas souffrir de la tempête politique nationale. « Tant que les gouvernements sont d’accord pour une poursuite de l’action de la mission, le travail se déroule », explique sa directrice, Claire Durrieu. Tant que le décret pris en août pour instaurer la mission n’est pas abrogé, le travail se poursuit. »

Si l’analyse technique se maintient, la situation parisienne peut, en revanche, complexifier le vote de projets de loi. L’onde du séisme atteint déjà les côtes calédoniennes, et plus précisément, le projet de reprise de 74 % maximum du capital de Prony Resources. Comme le notait son président, Thibaut Martelin, mardi 7 octobre, « il est certain aujourd’hui que la récente actualité politique en Métropole ne va pas nous aider à faire en sorte que le process s’accélère. »

Yann Mainguet

La mission en place

Annoncée par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, jeudi
3 juillet à Paris, la mission interministérielle, dirigée par Claire Durrieu, inspectrice générale des finances, vise à accompagner l’archipel dans la refondation de son modèle économique et social.

La haute fonctionnaire est à Nouméa jusqu’au dimanche 19 octobre, pour un double objectif : lancer les travaux de refondation afin de « redonner de la visibilité sur les cinq, dix, quinze ans à venir », et instruire les trois sujets « urgents » : le secteur du nickel – un soutien de l’État de plus de 300 millions d’euros est prévu en 2025 – ; le déficit 2026 des finances publiques du territoire – « Nous savons qu’il sera élevé, même si toutes les réformes du plan d’action voté en août sont adoptées » – ; enfin la relance, à court terme et au- delà.

Claire Durrieu était optimiste, vendredi 3 octobre : « Il ne faudrait pas grand-chose pour que ça reparte. Il manque un petit choc de confiance, mais les fondamentaux sont toujours là. »