[DOSSIER] Johan Pidjot : « On se sent comme le roi du ciel »

As part of the Henri Brown mission led by the New Caledonian Armed Forces (FANC) and the French Air Force, Air Force Base 186 in La Tontouta is hosting three Rafale, accompanied by two A330 tankers and an Airbus A400M. This mission, commanded by General Stephane Groen, is part of a projection of the Air Force and space resources in Asia-Oceania-Pacific in less than 72 hours. On the picture: Fighter pilot Johan Pidjot, a Caledonian of Kanak origin, returns to his country for the first time in three years. New Caledonia, La Tontouta, August 13, 2022. Photography by Delphine Mayeur / Hans Lucas. Dans le cadre de la mission Henri Brown conduite par les forces armees de la Nouvelle-Caledonie (FANC) et líarmee de líair, la base aerienne 186 de la Tontouta accueille trois Rafale, accompagnes de deux A330 ravitailleurs et díun Airbus A400M. Cette mission commandee par le general Stephane Groen, síinscrit dans le cadre díune projection des moyens de líArmee de líair et de líespace en Asie-Oceanie-Pacifique en moins de 72 heures. En photo : le pilote de chasse Johan Pidjot, un Caledonien díorigine kanak, revient dans son pays, la premiere fois depuis trois ans. Nouvelle-Caledonie, La Tontouta, 13 aout 2022. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Le lieutenant Johan Pidjot, jeune Calédonien de 26 ans, a fait un retour sensationnel sur le territoire aux commandes d’un Rafale. Alors qu’il commence sa carrière de pilote de chasse à Mont-de-Marsan dans l’escadron de ses rêves – 2/30 « Normandie-Niémen » – il fait la fierté de ses proches et de toute une population.

« Énorme. » C’est l’un des premiers mots prononcés par Johan Pidjot sur le tarmac de la BA 186. Le lieutenant, pilote opérationnel depuis seulement quatre mois, n’avait jamais «vraiment volé en Nouvelle-Calédonie.

Il s’offre un retour en Rafale, devant sa famille emplie de fierté. « Quand mon chef est venu me voir en me disant que j’allais en Nouvelle-Calédonie, je n’y ai pas cru. Mais depuis, j’y pensais tout le temps. C’est incroyable. Je suis le plus heureux » ajoute-t-il, encore boosté par « l’adrénaline ».

Il aura fallu, pour arriver jusqu’ici, trois longs vols dans cet appareil mythique et un exercice tactique au-dessus de Koumac où il fallait notamment simuler des tirs.

Déclic

Mais comment en arrive-t-on à avoir une telle vie ? Celle de Johan Pidjot a commencé à la tribu de la Conception au Mont-Dore, durant douze ans, avant un départ sur Nouméa. Il passe aussi beaucoup de temps dans le Nord, notamment à la tribu de Tiari à Ouégoa chez ses grands-parents ou avec son grand-père à Poum. Le gamin aime la pêche, le surf… Cadet d’une fratrie de trois garçons (il a également plusieurs jeunes demi-sœurs), il donne toute satisfaction. Un enfant « adorable, extrêmement gentil, simple », disent ses proches.

Johan Pidjot a pu faire monter sa mère Gaëlle dans le Rafale. « D’avoir mon fils qui m’explique comment ça fonctionne, c’est génial, même si je préfère ne pas connaître tous les détails. Vous n’imaginez même pas comment je suis fière ! » / C.M.

Et aussi déterminé. « Il a toujours eu beaucoup de facilité, ça va très vite dans sa tête. Mais c’est aussi quelqu’un qui bosse, très méthodique », souligne son père, Alain. Gaëlle, sa mère, explique qu’il a « toujours voulu être le premier en tout. Et ce qu’il voulait, il l’obtenait ». Son Bac S en poche, il s’inscrit en médecine mais n’accroche pas. « J’ai toujours aimé être dehors et je me suis rendu compte assez vite que ça ne me correspondait pas. »

« Fendre l’air »

L’idée de devenir pilote de ligne l’avait traversé par le passé. Sans prépa, il se dirige sur une formation privée à Agen pour laquelle il fait un emprunt étudiant. Suivent des mois de théorie, 180 heures de vol, 25 heures de simulateur… Entre-temps, il se prend à rêver des Rafale qui survolent la ville. Puis il admire la Patrouille de France, les Rafale, encore, à son premier meeting aérien. Le frère d’un copain, le commandant Lindsay, pilote de chasse, l’invite à Mont-de-Marsan. Le déclic. « J’ai su que c’était ce que je voulais faire. »

Johan approche le Cirfa (Centre d’information et de recrutement des Forces armées) de Bordeaux avec une ambition précise : intégrer ce régiment de chasse. Il passera par de multiples sélections au sein de l’armée à Tours, Cognac, Cazeaux, vole en planeur, en Epsilon, puis en Alpha Jet.

Il est finalement sélectionné sur Rafale monoplace à Saint-Dizier avant d’intégrer, comme il le souhaitait, le régiment Normandie-Niémen de Mont-de-Marsan, où il apprend « à tirer les armements, à gérer tous les capteurs ». Johan Pidjot est maintenant pilote de chasse. Il pourra prétendre à devenir sous-chef, puis chef de patrouille. Tous les six mois, il lui faudra repasser des tests.

Son point faible : l’ouïe. « C’est lié à toute la musique écoutée forte, comme tout Calédonien qui se respecte », blague-t-il. Pour être pilote, il faut avoir un cœur bien accroché, une bonne vision. « Mais il n’y a pas besoin d’être un faucon ! Juste pas de lunettes, ni de correction. »

Ses parents respectent son choix. « Ça fait plus peur à sa grand-mère, parce qu’il “va faire la guerre”, souligne son père. Mais c’est son job, il est entraîné. » Le commandant Lindsay, à ses côtés sur cette mission, reste bienveillant. « Son abnégation et son sérieux l’ont amené jusque-là. Partir en Métropole et réussir comme ça, revenir dans ces conditions, c’est quand même beau. »

Johan Pidjot ne changerait de carrière pour rien au monde. « On se sent un peu comme le roi du ciel. L’avion est magnifique, le cockpit incroyable, l’armement aussi, le bruit… Quand on met la postcombustion, on a l’impression de fendre l’air et que rien ne peut nous arrêter. »

Outre les avions, il aime aussi l’esprit d’équipe à l’armée et sa vie en Métropole avec sa compagne Céline, également Calédonienne, non loin de son frère et du surf. Avant de partir, Johan Pidjot glisse : « Ce passage restera comme un des plus beaux moments de ma vie ». L’histoire ne nous dit pas s’il a pu faire le fameux coup de pêche qu’il désirait tant.

Chloé Maingourd

Photo : Delphine Mayeur de Hans Lucas via AFP

Une équipe 

Le capitaine Andy, navigateur officier systèmes d’armes, et le commandant Lindsay, pilote sur Rafale biplace, tous deux de Saint-Dizier, étaient également de la mission.

Leur escadron a en plus un rôle de dissuasion nucléaire (ils peuvent transporter un missile). Ils évoquent une projection « éprouvante pour les organismes » avec des temps de vol très longs et rapprochés, les décalages horaires, les multiples ravitaillements. « Les MRTT ont sur chaque bout d’aile des tuyaux qui sortent et nous, avec la perche qu’on a devant, on vise le panier et on fait le plein », explique le commandant Lindsay.

Ils attendaient avec impatience les exercices suivants en Australie, en Indonésie et à Singapour. « Extrêmement intéressants pour apprendre à travailler avec nos alliés ».

 

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