Le lieutenant Johan Pidjot, jeune Calédonien de 26 ans, a fait un retour sensationnel sur le territoire aux commandes d’un Rafale. Alors qu’il commence sa carrière de pilote de chasse à Mont-de-Marsan dans l’escadron de ses rêves – 2/30 « Normandie-Niémen » – il fait la fierté de ses proches et de toute une population.
« Énorme. » C’est l’un des premiers mots prononcés par Johan Pidjot sur le tarmac de la BA 186. Le lieutenant, pilote opérationnel depuis seulement quatre mois, n’avait jamais «vraiment volé en Nouvelle-Calédonie.
Il s’offre un retour en Rafale, devant sa famille emplie de fierté. « Quand mon chef est venu me voir en me disant que j’allais en Nouvelle-Calédonie, je n’y ai pas cru. Mais depuis, j’y pensais tout le temps. C’est incroyable. Je suis le plus heureux » ajoute-t-il, encore boosté par « l’adrénaline ».
Il aura fallu, pour arriver jusqu’ici, trois longs vols dans cet appareil mythique et un exercice tactique au-dessus de Koumac où il fallait notamment simuler des tirs.
Déclic
Mais comment en arrive-t-on à avoir une telle vie ? Celle de Johan Pidjot a commencé à la tribu de la Conception au Mont-Dore, durant douze ans, avant un départ sur Nouméa. Il passe aussi beaucoup de temps dans le Nord, notamment à la tribu de Tiari à Ouégoa chez ses grands-parents ou avec son grand-père à Poum. Le gamin aime la pêche, le surf… Cadet d’une fratrie de trois garçons (il a également plusieurs jeunes demi-sœurs), il donne toute satisfaction. Un enfant « adorable, extrêmement gentil, simple », disent ses proches.
Johan Pidjot a pu faire monter sa mère Gaëlle dans le Rafale. « D’avoir mon fils qui m’explique comment ça fonctionne, c’est génial, même si je préfère ne pas connaître tous les détails. Vous n’imaginez même pas comment je suis fière ! » / C.M.
Et aussi déterminé. « Il a toujours eu beaucoup de facilité, ça va très vite dans sa tête. Mais c’est aussi quelqu’un qui bosse, très méthodique », souligne son père, Alain. Gaëlle, sa mère, explique qu’il a « toujours voulu être le premier en tout. Et ce qu’il voulait, il l’obtenait ». Son Bac S en poche, il s’inscrit en médecine mais n’accroche pas. « J’ai toujours aimé être dehors et je me suis rendu compte assez vite que ça ne me correspondait pas. »
« Fendre l’air »
L’idée de devenir pilote de ligne l’avait traversé par le passé. Sans prépa, il se dirige sur une formation privée à Agen pour laquelle il fait un emprunt étudiant. Suivent des mois de théorie, 180 heures de vol, 25 heures de simulateur… Entre-temps, il se prend à rêver des Rafale qui survolent la ville. Puis il admire la Patrouille de France, les Rafale, encore, à son premier meeting aérien. Le frère d’un copain, le commandant Lindsay, pilote de chasse, l’invite à Mont-de-Marsan. Le déclic. « J’ai su que c’était ce que je voulais faire. »
Johan approche le Cirfa (Centre d’information et de recrutement des Forces armées) de Bordeaux avec une ambition précise : intégrer ce régiment de chasse. Il passera par de multiples sélections au sein de l’armée à Tours, Cognac, Cazeaux, vole en planeur, en Epsilon, puis en Alpha Jet.
Il est finalement sélectionné sur Rafale monoplace à Saint-Dizier avant d’intégrer, comme il le souhaitait, le régiment Normandie-Niémen de Mont-de-Marsan, où il apprend « à tirer les armements, à gérer tous les capteurs ». Johan Pidjot est maintenant pilote de chasse. Il pourra prétendre à devenir sous-chef, puis chef de patrouille. Tous les six mois, il lui faudra repasser des tests.
Son point faible : l’ouïe. « C’est lié à toute la musique écoutée forte, comme tout Calédonien qui se respecte », blague-t-il. Pour être pilote, il faut avoir un cœur bien accroché, une bonne vision. « Mais il n’y a pas besoin d’être un faucon ! Juste pas de lunettes, ni de correction. »
Ses parents respectent son choix. « Ça fait plus peur à sa grand-mère, parce qu’il “va faire la guerre”, souligne son père. Mais c’est son job, il est entraîné. » Le commandant Lindsay, à ses côtés sur cette mission, reste bienveillant. « Son abnégation et son sérieux l’ont amené jusque-là. Partir en Métropole et réussir comme ça, revenir dans ces conditions, c’est quand même beau. »
Johan Pidjot ne changerait de carrière pour rien au monde. « On se sent un peu comme le roi du ciel. L’avion est magnifique, le cockpit incroyable, l’armement aussi, le bruit… Quand on met la postcombustion, on a l’impression de fendre l’air et que rien ne peut nous arrêter. »
Outre les avions, il aime aussi l’esprit d’équipe à l’armée et sa vie en Métropole avec sa compagne Céline, également Calédonienne, non loin de son frère et du surf. Avant de partir, Johan Pidjot glisse : « Ce passage restera comme un des plus beaux moments de ma vie ». L’histoire ne nous dit pas s’il a pu faire le fameux coup de pêche qu’il désirait tant.
Chloé Maingourd
Photo : Delphine Mayeur de Hans Lucas via AFP
Le capitaine Andy, navigateur officier systèmes d’armes, et le commandant Lindsay, pilote sur Rafale biplace, tous deux de Saint-Dizier, étaient également de la mission.
Leur escadron a en plus un rôle de dissuasion nucléaire (ils peuvent transporter un missile). Ils évoquent une projection « éprouvante pour les organismes » avec des temps de vol très longs et rapprochés, les décalages horaires, les multiples ravitaillements. « Les MRTT ont sur chaque bout d’aile des tuyaux qui sortent et nous, avec la perche qu’on a devant, on vise le panier et on fait le plein », explique le commandant Lindsay.
Ils attendaient avec impatience les exercices suivants en Australie, en Indonésie et à Singapour. « Extrêmement intéressants pour apprendre à travailler avec nos alliés ».