[DOSSIER] « Mon handicap est une force »

Joséphine Dupont fait partie de ceux qui, diplômés, sont insérés. Inspectrice alimentaire à la Direction des risques sanitaires de la ville de Nouméa, elle partage son expérience.

Loin de l’image associant souvent handicap et lourde infirmité, le parcours de Joséphine Dupont rappelle qu’il existe autant de handicaps que de personnes handicapées. Sourde de naissance, la jeune femme de 25 ans, appareillée à deux ans, côtoie davantage « le monde des entendants que celui du handicap » et termine sa scolarité avec deux licences en poche.

Depuis le mois d’août, elle travaille comme inspectrice alimentaire à la DRS, Direction des risques sanitaires, à la ville de Nouméa. « Lors de mon entretien, j’ai tout de suite voulu rassurer et j’en ai parlé, j’ai dit que j’étais reconnue travailleuse handicapée. Je l’accepte totalement. Pour moi, c’est une fierté. »

Cette singularité lui apporte des « petits plus que d’autres n’ont pas ». Ses appareils lui permettent « d’adapter son audition », elle se concentre sur ses autres sens et se sent davantage « empathique » et « à l’écoute des autres ». Alors même si son handicap « ne se voit pas nécessairement », Joséphine Dupont le met en avant parce qu’elle « le considère plus comme une force que comme une faiblesse ».

 

On est tous un peu handicapés.

 

Mais cela n’est pas toujours facile au quotidien. « Les bruits forts me dérangent et me fatiguent. » Et avec le Covid, le port du masque ne lui a pas simplifié les choses. « Je lis beaucoup sur les lèvres, alors c’est compliqué avec le masque, il y a des mots que je saisis mal. Cela m’arrive de répondre sur ce que j’ai compris et là tout le monde me regarde en mode “Ce n’est pas ce qu’on a dit”, et finalement cela crée des situations rigolotes. »

Avec le temps, elle s’est habituée à le « gérer ». « On fait avec et puis je le prends bien, cela fait partie de moi. » Ce qui est plus difficile, c’est quand elle se retrouve confrontée à des gens peu coopératifs. « Il est important que la personne en face de moi n’ait pas peur de répéter ou de parler plus fort, mais cela en agace certaines qui ne veulent pas toujours le faire. »

Engagée au sein de la commission jeunes du collectif Handicaps, Joséphine Dupont a sa propre définition du handicap, c’est-à-dire « une personne qui rencontre des situations handicapantes au quotidien. Quelqu’un qui porte des lunettes est, d’une certaine façon, handicapé. » Une vision qui inclut au lieu d’exclure. Et qui rapproche. « Cela induit de la proximité et un regard bienveillant. Quelque part, on est tous un peu handicapés et on connaît tous des personnes qui ont des difficultés, comme les grands-parents. »

La jeune femme souhaite ainsi donner « une nuance de degré ». « On peut avoir des handicapés avec un handicap faible. C’est cet éclairage que j’ai envie de montrer dans ma contribution au monde du handicap.»

A.-C.P. (© A.-C.P.)

4 300

Travailleurs handicapés ont été comptabilisés en 2020, dont plus de 2 500 seraient en recherche d’emploi, ce qui représente « un taux d’insertion assez faible », selon Jade Barbu, responsable du Collectif handicap, sur environ 8 000 adultes en situation de handicap.

Parmi eux, certains sont considérés « inaptes » au travail, mais l’ensemble des travailleurs handicapés n’est pas recensé puisque le fait de se déclarer comme tel n’est pas obligatoire.

 

La discrimination à l’embauche

Si le Collectif handicap ne dispose pas « de chiffres ni d’études quant aux cas de discrimination à l’embauche et au maintien de l’emploi en Nouvelle-Calédonie des personnes en situation de handicap (PSH) », l’association recense « beaucoup de remontées de terrain qui vont dans ce sens », indique Jade Barbu.

En Métropole, selon le rapport d’activités 2020 du Défenseur des droits, ajoute-t-elle, « le handicap constitue le premier motif de discrimination pour lequel le Défenseur des droits est saisi (environ 20 %) », et ce avant la race, l’ethnie et l’état de santé.

 

Faire respecter ses droits

Il est possible, en cas de discrimination, de saisir le délégué du Défenseur des droits – chargé de veiller au respect des droits et libertés – présent en Nouvelle-Calédonie. Son recrutement est actuellement en cours. Ce dernier assure des permanences gratuites et sur rendez-vous au centre administratif du haut-commissariat au 9, bis rue de la République à Nouméa. Informations sur defenseurdesdroits.fr.

Une société pas assez inclusive

C’est un autre point noir à améliorer afin d’inclure davantage les personnes en situation de handicap. Le manque d’accessibilité de l’espace urbain et de logements adaptés. Pour Jean Saussay, il faut s’inspirer des pays anglo-saxons où cela « est désormais acquis. Il s’agit de volonté politique, il faut une prise de conscience des autorités et des constructeurs pour que cela devienne automatique. » Ces derniers devraient par exemple systématiquement faire appel à des ergothérapeutes afin d’être conseillés « sur ce qu’il faut mettre en place pour que les logements soient totalement accessibles », poursuit Jade Barbu.