[DOSSIER] Modèle calédonien : évolutions ou révolution ?

Le plan du gouvernement vise à refonder les bases de la société calédonienne. (© Archives A.-C.P.)

Les maux ne datent pas du 13 mai, mais les événements survenus ces quatre derniers mois les ont aggravés, précipitant la Nouvelle-Calédonie dans l’abîme.

Selon le haut-commissariat, le PIB a chuté de 15 %, plus de 2 100 entreprises ont été affectées par les émeutes, les dégâts s’élèveraient à plus de 262 milliards de francs, les recettes fiscales ont dégringolé, le nombre de chômeurs a explosé (24 000).

Afin de soutenir le territoire, incapable de financer ces dépenses, l’État a annoncé, début septembre, une aide supplémentaire de 15 milliards de francs (portant son appui à 50 milliards de francs environ depuis le début de la crise) en faveur des entreprises et du service public (Ruamm, Enercal, chômage, etc.).

Cette participation n’est pas gratuite. Elle est conditionnée « à l’adoption de réformes permettant d’améliorer le modèle économique et social néo-calédonien », précise l’État. Des réformes devenues indispensables, que la Nouvelle-Calédonie a échoué à réaliser par le passé.

PLUS LE CHOIX

Deux initiatives sont menées en parallèle, même si elles sont « complémentaires », assure Calédonie ensemble, à l’origine de la résolution en faveur d’un plan quinquennal de 500 milliards de francs appelé à être financé par l’État, adopté le 28 août par les élus du Congrès. À sa tête, le comité interinstitutionnel (composé des représentants des collectivités, institutions et groupes politiques du Congrès), secondé par la commission des forces vives (chambres consulaires, organisations patronales et syndicales), installée le 16 septembre. Le déplacement d’une délégation est prévu à Paris la semaine prochaine en vue de plaider en faveur de ce programme. Les Loyalistes, le Palika et le Medef ont annoncés qu’ils n’y participeraient pas.

L’exécutif porte, lui, le plan S2R, pour sauvegarde, refondation et reconstruction, qui doit permettre de « définir les grands principes sur lesquels reposera le nouveau modèle calédonien et à long terme identifier les pistes prioritaires de reconstruction », déclarait, fin août, le membre du gouvernement Yannick Slamet.

Une démarche consultative visant à remanier en profondeur le système économique, social, sociétal et institutionnel. Le Cese a présenté sa contribution vendredi 13 septembre, celle des organisations patronales et syndicales est attendue cette semaine. Le Sénat coutumier a également été sollicité. Ainsi que les Calédoniens, via un document en ligne. Environ 2 500 contributions ont été enregistrées pendant la consultation, du 29 août au 19 septembre.

« Nous ne sommes pas dans de la cosmétique », promet Christopher Gygès, membre du gouvernement. L’idée, déjà évoquée avant les violences, est largement reprise depuis. « On ne vivra plus comme avant » affirmait, début juin, Mimsy Daly, présidente du Medef. Jean-Marc Burette, de l’Usoenc, plaidait en faveur d’un « nouveau modèle pour la jeunesse ». Mélanie Atapo, pour l’USTKE, prônait « un projet de société » qui ne « reproduise pas les mêmes déséquilibres ». « Il va falloir faire des sacrifices », observe Christopher Gygès.

UN ACCORD POLITIQUE

Comment y parvenir ? Tant de projets n’ont pas abouti pour des raisons politiques, comme la révision du Ruamm. Et les divergences d’opinions sont nombreuses. Christopher Gygès n’y voit pas un obstacle. « Nous voyons des convergences sur certaines propositions qui n’existaient pas avant le 13 mai, notamment sur la partie fiscalité et flexibilité à l’emploi. Nous sommes d’accord sur 90 % et nous allons nous concentrer là-dessus. »

Parmi les priorités, « simplifier le millefeuille administratif », « réduire le nombre d’établissements publics », mutualiser les moyens, revoir la fiscalité, redonner de l’attractivité et retisser le lien social. « Il ne faut pas se mettre de tabou. »

Le calendrier est serré. Une conférence autour du plan S2R est prévue début octobre, en vue du projet de loi de finances 2025 qui doit être examiné à l’Assemblée nationale. « C’est un travail en trois mois qui aurait dû être fait en 30 ans. C’est un peu ambitieux, mais c’est aujourd’hui qu’il faut le faire. »

Est-ce concevable sans un accord politique sur l’avenir institutionnel ? Optimiste, Yannick Slamet voit dans cette approche un possible « élément catalyseur de futures discussions ». Le Cese pense, à l’inverse, qu’il s’agit d’un « préalable pour que tous les acteurs de la société s’engagent dans un projet de reconstruction » et « exhorte les forces politiques à tout mettre en œuvre pour le trouver ».

A.-C.P.