Depuis la levée de l’état d’urgence, mardi 28 mai, des commerces rouvrent timidement, en signe d’espoir d’une reprise, aussi minime soit-elle. Mais nombreux sont ceux à ne pouvoir le faire. La perte d’emplois directs pourrait s’élever à 7 000.
Les dégâts sont « colossaux », « les dommages économiques et sociaux massifs et inédits », a déclaré Emmanuel Macron, dans son discours prononcé à la fin de sa visite jeudi 23 mai. Et les besoins immenses.
Dans un premier temps, le président de la République privilégie « l’aide d’urgence », qui doit se matérialiser par la création d’un fonds de solidarité. Pour cela, le chef de l’État était accompagné d’une mission pilotée par Anthony Requin, le même inspecteur des finances coauteur du rapport sur l’avenir de la filière nickel en juillet 2023, chargée d’établir « un état des lieux » et de « bâtir le cadre ». Une dizaine de fonctionnaires devraient venir compléter les équipes déjà déployées, sans compter celles mobilisées à Paris.
Les évaluations s’affinent, portant désormais le nombre d’emplois directs perdus à 5 000 sûrs, voire 7 000 (c’est sur ce chiffre que la Cafat base ses estimations) et le nombre d’entreprises touchées à 500. Ces données, provisoires, sous-estiment les conséquences à venir de la crise, qui va affecter l’activité de nombreuses structures, provoquant la suppression de postes supplémentaires, « 10 000 à 20 000 d’après les calculs de l’économiste Olivier Sudrie », souligne Ronan Daly, président du syndicat des commerçants. Les projections les plus pessimistes prévoient, en cas de fermeture des trois usines, « jusqu’à 25 000, soit un tiers de l’emploi du privé ».
« TOUTES LES ÉVENTUALITÉS ÉTUDIÉES »
Or, les différents régimes sociaux de la Cafat, dont certains sont déjà déficitaires à l’image du Ruamm, sont financés par les cotisations des entrepreneurs et des salariés. Patrick Dupont, président du conseil d’administration, évoque une baisse de près de 15 milliards de francs pour 2024 et 2025. Outre le Ruamm, plusieurs milliers de personnes vont se retrouver au chômage. « On peut estimer que les salariés de mai soient payés, mais les courriers d’interruption de contrat de travail commencent à partir. »
Le régime ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour prendre en charge autant de bénéficiaires. « Les différents partenaires de la cellule de crise essayent de trouver des solutions. L’objectif est que ce soit prêt à temps. » Ces dépenses seraient assumées par le fameux « fonds de solidarité » mentionné par Emmanuel Macron.
L’autre dossier de taille : l’aide aux entreprises détruites, qui doivent pouvoir « toucher un apport financier, un acompte des assurances », plaide Ronan Daly (lire page 13). Parmi les sujets instruits, le cas des sociétés non assurées, qui seraient « un nombre conséquent », note Mimsy Daly, présidente du Medef-NC. « Elles feront l’objet d’un traitement différent. Toutes les éventualités sont étudiées. »
Il est également question de l’intervention des banques, chargées de proposer, entre autres, des reports d’échéance. Le fonds d’aide de l’État devrait également couvrir d’autres dispositifs destinés aux structures dont le fonctionnement sera nettement réduit dans certains secteurs, comme le tourisme.
UNE STRATÉGIE DE RECONSTRUCTION
S’il subsiste beaucoup d’inconnues, « les prévisions sont assez catastrophiques », admet Ronan Daly, qui ne veut pas céder au défaitisme. Malgré un retour compliqué au travail, la sortie de l’état d’urgence, mardi matin, s’est assortie de l’ouverture de plusieurs magasins, notamment à Nouméa. Un geste important. « Cela donne une image positive. Ouvrir, c’est le principe même de la relance. C’est aussi un message : on repart de l’avant, on génère un mouvement. » Dans un second temps, ajoute le président du syndicat des commerçants, il faudra s’appuyer sur « la résilience et la volonté des entrepreneurs de se relever », même si des départs du territoire sont annoncés.
La mise en place de prêts à taux zéro est aussi suggérée pour le redressement. Ce sera le plus gros morceau. « Définir une stratégie plus large de reconstruction », a insisté Emmanuel Macron. « On ne va pas tout reconstruire à l’identique », il faut « diversifier l’économie », « voir où et comment on investit », ce qui « prendra du temps et viendra abonder l’accord global ». Afin de mener à bien ce travail, l’État préconise de « définir le cadre de gouvernance et d’organisation » et envisage de « créer un établissement public chargé de piloter afin que ce soit le plus efficace possible ».
♦ Les bâtiments publics
Concernant les bâtiments publics, notamment les écoles et les collèges, Emmanuel Macron ne veut pas tarder. « Nous aurons des procédures d’exception pour reconstruire très rapidement. Il y aura un moment de transition précaire, mais on ira au plus vite. »
♦ L’UFC prône la solidarité
L’association de défense des consommateurs, qui s’inquiète du sort réservé aux particuliers, a saisi les banques et les assurances pour leur demander de « traiter les dossiers avec indulgence, d’engager des négociations avec leurs clients » en cas de difficultés financières, « d’accélérer les procédures d’évaluation des dommages et d’indemnisation des sinistrés » et de ne pas rompre le contrat d’assurance ou d’appliquer des frais bancaires en cas d’incidents de paiements.
♦ Mesures fiscales exceptionnelles
Le gouvernement a pris plusieurs dispositions d’ordre fiscal, mercredi 29 mai. La date limite du paiement du second versement d’acompte de l’impôt sur le revenu (IR) est fixé au 30 septembre et celle du paiement du solde de l’IR 2023 est repoussée au 15 décembre. Celle de l’impôt sur les sociétés et de la CSA est fixée au 14 juin. Les entreprises qui ne sont pas en mesure de poursuivre leur activité peuvent bénéficier d’un report de leurs dettes fiscales. L’entrée en vigueur de la taxe sucre est reportée au 1er août.
Anne-Claire Pophillat