[DOSSIER] Lidzy, drag queen réfléchie

Lidzy Komandement s’est déjà produite deux fois à Tahiti et a participé à une conférence aux Fidji. (©Jérôme Domo Photo)

Lidzy Komandement sur scène, Sébastien à la ville, voit à travers la prestation des drag queens à la fois une dimension artistique et un militantisme.

L’air est léger en cette fin de répétition à Nouméa, face au lagon. Entre un rire et le rangement des vêtements, les dernières consignes sur le support technique lié à la musique sont rappelées. Le spectacle dévoilera ses couleurs une semaine plus tard, samedi 5 juillet au soir. Dans la salle principale de la guinguette Cocotte, Lidzy Komandement discute sur ses talons hauts. Derrière le nom de scène se cache une petite histoire. « Les drag queens font toujours un jeu de mots. Comme je suis quelqu’un d’assez carré, mon chéri a proposé Les Dix Commandements. Et voilà… »

À la ville, Lidzy est Sébastien, Calédonien de 36 ans, salarié dans la finance. Il y a cinq ans, un monde s’est ouvert grâce à l’émission de télé-réalité de compétition américaine au succès mondial « RuPaul’s Drag Race ». Sébastien et une connaissance accrochent tout de suite à ce concours de reines où il faut savoir coudre, coiffer, danser, chanter, être actrice, faire du stand-up… « On s’est dit : Pourquoi pas nous ? C’est trop beau ! » En route vers l’art du drag, un vaste univers où se croisent diverses disciplines. « C’est ma personnalité artistique qui s’exprime au travers du drag. » De fait, Lidzy, « c’est mon alter ego artistique », résume le Nouméen dont la précision est utile : une drag queen n’est pas une femme trans, tout comme un drag king n’est pas un homme trans. Officiellement, le territoire compte quatre reines, connues, qui sont d’ailleurs en contact avec deux autres personnes désireuses de se lancer.

« SUPER-HÉROS »

Lidzy et ses amies, constituées en groupe d’artistes, ont créé une association dénommée House of Queeriosity, avec toujours un jeu de mots en clin d’œil : queer et curiosité. Telle est la bannière sous laquelle ces Calédoniens se présentent pour des animations et autres spectacles à la double résonance. Il y a la partie artistique, structurée, préparée et originale. L’équipe a adopté le lipsync, un anglicisme désignant des mimes sur une musique avec une chorégraphie teintée d’humour ou d’émotions. Et surtout, « l’art du drag entend faire passer des messages. Comme des messages d’amour », explique Lidzy Komandement, assise à la terrasse du café.

« On accepte, nous, notre part de féminité. » Ce drag avec robe, perruque et maquillage, « c’est un costume de super-héros. On se sent plus fort pour faire un peu de militantisme », tourné essentiellement vers la cause LGBT. L’idée est juste de « dire: on est là et on est des êtres humains comme les autres. Nous ne sommes pas des extraterrestres venus de Mars ».

Entourée de Blue Mamba et Cyril Killer, Lidzy, à Nouméa, après une répétition du spectacle prévu ce samedi. (© Y.M)

Le chemin de Sébastien n’est pas linéaire. Si sa famille, du côté maternel, a accepté son homosexualité, tout comme la drag queen, même s’il a fallu insister sur l’aspect artistique, une fracture est intervenue avec son père depuis le coming out gay. « On ne se parle plus. Pour lui, il n’a plus de fils », déplore le trentenaire. La Nouvelle-Calédonie est une terre partagée face au mouvement créatif des drags. Leurs spectacles réunissent des fans de « toute ethnie, de tout âge, de toute orientation sexuelle ». En revanche, le courant se heurte à des gens haineux sur les réseaux sociaux, « c’est horrible ». Lidzy et ses amies, portées par de bonnes ondes, ne s’arrêtent pas à ces mots fielleux. « On passe au-dessus. »

Yann Mainguet

Spectacle House of Queeriosity, samedi 5 juillet, au bar restaurant Cocotte, Nouméa, dès 19 heures.

Au XVIIIe, déjà

Pour Cyril Lacarrière, journaliste à France Inter, la première trace de l’utilisation du terme « drag » daterait du XVIIIe siècle. Il était alors utilisé pour qualifier les hommes travestis et homosexuels qui laissaient traîner leurs jupes sur le sol en Europe. Car « to drag » signifie laisser traîner, écrit le média Radio France.