[DOSSIER] L’huître de roche, la perle rare bichonnée par Océane Robert

Aquacultrice depuis 12 ans, Océane Robert s’apprête à ouvrir une écloserie d’huîtres de roche sur le territoire. Une espèce locale de plus en rare qu’elle compte bien remettre au goût du jour.

Océane Robert est une femme de la mer. Personne ne porte ce prénom aussi bien qu’elle. Ni la couleur bleue. « Petite, je voulais être océanographe. Les copains disaient à mon frère qui s’appelle Kevin, et toi tu veux faire Kevinographe ? »

Elle deviendra finalement aquacultrice. « Je n’étais pas très bonne en maths », avoue-t-elle. Les mains dans l’eau salée, en compagnie de ses coquillages, et de Crevette, son chat, Océane Robert se sent comme un poisson dans l’eau.

12 ans que la Calédonienne exerce ce métier. Après un BTS agricole à Pouembout et une licence professionnelle d’aquaculture à La Rochelle, elle revient dans son fief pour travailler dans la crevette. Deux ans. Elle quitte les crustacés pour les coquillages et reste dix ans à l’Adecal. C’est là qu’elle va découvrir le potentiel de l’huître de roche, une perle locale. « J’ai vu que c’était prometteur. C’est une espèce plus résiliente, bien appréciée. »

Loin d’être juste des « bouts de caillou » comme elle le pensait au départ, elle se prend de passion pour cette espèce de plus en plus rare. « Elle est fermée huit mois de l’année à la pêche en Nouvelle-Calédonie. Je me suis dit que c’était intéressant de la remettre sur le marché. »

Aujourd’hui âgée de 33 ans, la Calédonienne s’apprête à ouvrir une écloserie d’huîtres de roche. Son rêve d’avoir un jour sa propre ferme est sur le point de se réaliser.

PROTECTRICE DES BÉBÉS HUÎTRES

Océane Robert a quitté son travail pour se concentrer à fond sur son projet : élever des bébés huîtres de son côté. « Il y avait déjà quelques essais qui avaient été faits dans les années 90 mais qui n’ont pas été très poussés. Avec l’Adecal, on s’y est remis, j’ai réussi à produire quelques milliers de naissains* plusieurs années de suite. »

Sa spécialité ? Écloseur. Elle fait reproduire les huîtres et élève leurs bébés jusqu’à ce qu’ils aient une taille assez conséquente pour partir dans des paniers en mer. Depuis son microscope, elle observe la fécondation qui se déroule
en une heure et la larve qui éclot en 24 heures. « Une larve d’huître est considérée comme du plancton. À partir de trois semaines, elle se métamorphose en bébé huître. On la garde dans les bassins pendant deux trois mois, en nurserie, jusqu’à ce qu’elle ait atteint la taille d’un ongle, entre 4 et 8 millimètres », précise-t-elle.

DURABLE JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE

L’aquacultrice souhaite une écloserie la plus durable possible et la plus intégrée à son environnement. « Je vais installer des panneaux solaires pour créer mon électricité et toutes les eaux de rejet d’eau de mer vont être utilisées pour arroser des champs d’halophytes. » Ces plantes de bord de mer comestibles, qui poussent avec de l’eau salée, pourront ensuite être dégustées en salade ou utilisées comme assaisonnement.

 

L’aquacultrice a déjà commandé son conteneur aménagé en Métropole. « Il se branchera à l’eau de mer avec tout un système de filtration. » Seul hic, son espace de travail n’a pas encore trouvé de terrain où se poser. « Je cherche à m’installer en baie de Saint-Vincent, car c’est une baie qui est naturellement riche en phytoplancton, ce que mange l’huître. Chercher un terrain, c’est compliqué et l’huître ne peut pas se mettre n’importe où. Il faut trouver une eau de bonne qualité. »

Océane Robert va dans un premier temps s’installer sur le site existant de l’Adecal qui se situe en baie de Saint-Vincent, à Port-Ouenghi, en début d’année prochaine, afin de profiter des infrastructures déjà en place. « Ce sera temporaire, ça permet de se lancer et d’avoir un accompagnement. »

METTRE SUR PIED UNE VRAIE FILIÈRE

Avec son écloserie, l’aquacultrice a une idée bien précise derrière la tête. Elle ne veut pas uniquement produire ces huîtres au goût un peu piquant. Elle souhaite développer une vraie filière pour la Nouvelle-Calédonie. Une filière durable et autonome. « En créant une écloserie, on fiabilise l’approvisionnement en naissain au départ et on peut créer d’autres fermes derrière. » Les huîtrières d’Arembo et de Dumbéa sont déjà intéressées par son projet.

Océane Robert aimerait se diversifier par la suite en élevant d’autres coquillages : l’huître rose, l’huître de palétuvier, la palourde… Développer d’autres espèces aquacoles que la crevette sur le territoire.

Edwige Blanchon

*Il s’agit des juvéniles de différents mollusques, notamment d’espèces faisant l’objet de cultures marines comme les huîtres ou les moules.

Photos : © E.B.