Les entreprises minières discutent avec les représentants de la CCAT de leur secteur, dans l’espoir d’une reprise du travail qui, à long terme, ne leur paraît possible que grâce à une solution politique où serait traitée la question de l’accès à la ressource.
À la Nickel mining company (NMC), seul le site de Ouaco continue de tourner. Poya, Kouaoua et Nakéty sont à l’arrêt. Didier Ventura se fait du souci pour son entreprise, mais pas seulement. « Notre priorité, c’est de maintenir l’intégrité des fours de la SNNC (Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée, NDLR), et donc de sauver notre partenariat avec Posco », le métallurgiste coréen, co-exploitant de l’usine détenue à 51 % par la province Nord via la SMSP, maison-mère de la NMC.
Le président espère faire partir des bateaux de minerai depuis la côte Ouest prochainement, et discute avec ses confrères mineurs pour tenter d’organiser des livraisons supplémentaires à l’usine de Gwangyang.
À l’heure actuelle, les 100 salariés basés à Nouméa ont été placés en chômage partiel à raison de trois jours par semaine. Les dépenses non-essentielles ont été « immédiatement arrêtées » pour stopper la fonte de la trésorerie. Mais les mesures d’économie ne pourront durer qu’un temps. La NMC, qui a réalisé près de 22 milliards de francs de chiffre d’affaires en 2023, ne pourra pas conserver ses 700 salariés indéfiniment.
« Il est indispensable que l’activité reprenne d’ici quelques semaines », plaide Didier Ventura, qui fait preuve de davantage d’optimiste en ce qui concerne ses mines de la côte Ouest. « On travaille fortement à la réouverture. Pour cela, l’assentiment des populations est indispensable. On doit rester intégré dans notre environnement. »
« ON SE CONNAÎT TOUS »
Tous les mineurs interrogés disent entretenir des discussions avec les responsables de la CCAT de leur secteur, dans l’espoir de préserver leur outil de travail et de reprendre l’activité. De nombreuses personnes ont d’ailleurs la double casquette : membre de La CCAT et salarié d’une entreprise minière. « On se connaît tous. C’est comme avec les politiques de tous bords, on se connaît, on se respecte », résume Wilfrid Maï, patron de MKM, qui compte près de 130 salariés entre N’Go et Goro. « Les gens sont solidaires pour ne pas travailler. Donc on attend de voir ce qui va se décider au niveau du pays. Il n’y a que ça à faire. »
Faute de reprise du travail, quand surviendraient les premiers licenciements ? « Assez rapidement », répond Wilfrid Maï, qui indique n’avoir placé aucun employé en chômage partiel jusqu’ici, et avoir payé les salaires de mai et de juin. Les instances représentatives du personnel devaient être réunies en cette fin de semaine, avec de possibles annonces douloureuses.
« L’ACCÈS À LA RESSOURCE SERA UNE DIMENSION ESSENTIELLE »
« On ne discute pas directement avec la CCAT. On passe par les représentants coutumiers qui sont nos interlocuteurs habituels », dit le patron d’une autre mine de la côte Ouest, dont les activités d’extraction et de chargement sont à l’arrêt. « Notre activité est en suspens, donc on est en train de négocier. Tant qu’on n’a pas l’accord des coutumiers, c’est simple, on ne reprendra pas. Et il faut une reprise rapide, sinon on va tuer le peu d’acteurs économiques qui travaillent en Brousse », insiste ce directeur, qui considère que le secteur de la mine est « pris en otage » par la CCAT. Il aimerait « dépolitiser » la question minière. Mais pour reprendre l’exploitation de façon durable, il ne voit qu’une solution politique, une sorte de volet nickel du futur statut de la Nouvelle-Calédonie.
« L’accès à la ressource sera une dimension essentielle des discussions politiques », considère un autre patron de mine, qui tient à l’anonymat, trop heureux d’avoir échappé aux destructions pour prendre le moindre risque. Les suppressions d’emplois, il ne les envisage pas. « Un licenciement, c’est toujours violent. Avec nos populations, il faut faire très attention. »
Le chômage partiel est une aide précieuse, mais il ne durera pas éternellement. « Tôt ou tard, le pacte nickel va revenir, on va arriver à une deuxième étape de discussions sur la question minière », prédit-il. « Et il faudra intégrer les populations, sinon, ça ne marchera pas. »
Gilles Caprais