[DOSSIER] Les commerces voient leur activité fondre

Au Bottle Shop du centre commercial Teari à Koné, les employés de KNS sont aujourd’hui bien moins nombreux à faire leurs achats. © Y.M.

L’arrêt de Koniambo Nickel et ses répercussions sur l’emploi portent un violent coup à l’économie locale. Du caviste au directeur d’hôtel, la perte de revenus est bien palpable.

Les couleurs éclatantes des vitrines ont disparu derrière un épais rideau métallique. La galerie marchande du centre commercial Teari à Koné est devenue plus sombre. Au moins quatre boutiques ont fermé sur une dizaine de magasins. Sous l’enseigne du caviste Bottle Shop, où les « expats » – pour expatriés – de Koniambo Nickel et des sous-traitants aimaient acheter un nectar, l’activité a bien baissé. « Nous ne sommes plus sur un haut ticket, mais sur un ticket moyen qui s’affaiblit », regrette Pauline, vendeuse, évoquant le niveau de la facture lors du passage en caisse.

Dans l’historique supermarché implanté au centre du village, désormais de marque Auchan, 400 clients en moyenne par jour viennent faire leurs courses aujourd’hui, « contre 600 auparavant. Le chiffre d’affaires était en croissance ces dernières années », se rappelle Ségolène Reb, responsable du magasin. Maintenant, « les gens, qu’ils soient employés de KNS ou non, font attention à la dépense. Ils n’ont plus de sous ».

TRÉSORERIE LIMITÉE

Le Nord, et plus particulièrement la région VKP pour Voh-Koné-Pouembout, plie sous les mauvais coups, de l’annonce du retrait de Glencore en février et des départs d’expats aux répercussions des exactions du Sud et proches licenciements à Koniambo Nickel. « Nous étions dépendants à 80-90 % à KNS et ses sous-traitants », explique Bruno Cazaubon, directeur de l’hôtel Le Pacifik Koné qui, au fil des annonces et des effets des émeutes, a mis « le premier puis le deuxième genou à terre ».

Le restaurant est fermé pour la clientèle extérieure depuis le 13 mai. Si le taux de remplissage a sensiblement augmenté ensuite avec les forces de l’ordre, mais aussi les salariés de KNS en attente du départ et des techniciens engagés sur un chantier à Népoui, la trésorerie ne permet de tenir que jusqu’en octobre. « C’est l’inconnu, résume le dirigeant de l’établissement hôtelier. On vit au jour le jour. »

Après l’annonce du départ de Glencore en février, puis les émeutes du Sud en mai,
la clientèle de l’hôtel Le Pacifik Koné a chuté de 80 %, calcule le directeur Bruno Cazaubon. © Y.M.

Vu la chape de plomb, les entreprises, comme les foyers, se positionnent en mode économies. Le recours à une femme de ménage est arrêté à l’agence immobilière Ellipse Immo – « on s’organise entre nous » –, les déplacements sont optimisés pour réduire la facture de carburant, même l’achat de fleurs fraîches pour embellir le comptoir de la société est suspendu, liste le gérant Cyrille Berhault, dont l’entité d’origine, Ellipse Consulting, est spécialisée dans le service de relocation et d’assistance aux expatriés de KNS ou d’autres structures. Le nombre de familles aidées a chuté ces derniers mois.

Conséquence de la baisse globale d’activité, l’effectif, en l’espace d’un an, aura bientôt été divisé par deux, de 14 à 7 salariés. La perte de chiffre d’affaires s’élève à 50 %, en raison de la situation de KNS, du contrecoup des émeutes, de « l’incertitude ».

« PAS ENCORE TOUCHÉ LE DUR »

Et les projets sont ajournés. À l’hôtel Le Pacifik Koné, la rénovation de la partie restauration, prévue en 2024, et le programme d’extension « sont tombés à l’eau », souffle Bruno Cazaubon. Non loin, le rafraîchissement du magasin Auchan est « en stand-by », ajoute Ségolène Reb. L’absence de visibilité perturbe les plans dans une région pourtant appelée à un développement continu avec le complexe métallurgique. Épaulées par l’État à travers le Fonds de solidarité ou encore par la province Nord, bon nombre de sociétés ont dû placer une partie de leurs salariés au chômage partiel.

Néanmoins, « on n’a pas encore touché le dur, selon moi », prédit Cyrille Berhault d’Ellipse Immo, Consulting et Box pour les missions de déménagement. « Je pense qu’on le sera au dernier trimestre 2024 », quand les différentes aides et les crédits seront consommés. Signe attendu d’une très forte tension économique, « plus d’une centaine de logements vont être vacants sur la zone ». Ces maisons ou appartements étaient occupés par des salariés de KNS, des sous-traitants, des Calédoniens qui ont perdu leur emploi. Tous espèrent une reprise des parts de Glencore et une remise en route de l’usine. Une heureuse issue qui « prendra du temps », signale Cyrille Berhault. Au village, près des étals, Ségolène Reb « reste positive ».

Yann Mainguet