[DOSSIER] Le statut des pompiers remis en cause

Sur la commune de Nouméa – comprenant les casernes Lucien Parent et celle de Normandie – 50 % des effectifs sont des volontaires. (© Nikita Hoffmann)

Depuis de nombreuses années, le statut des pompiers est un sujet qui divise en Nouvelle-Calédonie. Contrairement à leurs homologues métropolitains, volontaires et professionnels n’ont pas vu leurs conditions évoluer depuis plus de 10 ans.

  • DES INDEMNITÉS DIFFÉRENTES EN FONCTION DES COMMUNES

Aujourd’hui, les salaires et indemnités perçus par les soldats du feu (professionnels et volontaires) sont gérés directement par les communes. Celles-ci ont la possibilité de les rémunérer selon une fourchette comprise entre un montant horaire minimum et un maximum évoluant en fonction du SMG (salaire minimum garanti), du grade, et des phases que sont l’opérationnel, l’astreinte ou la garde postée. En moyenne, « pour un pompier volontaire, quand il s’agit d’une garde postée, c’est 4 850 francs les 12 heures », illustre Mauro Pizzolitto, président de l’Union des pompiers de Nouvelle-Calédonie. Des rémunérations jugées largement insuffisantes au regard du travail fourni par les soldats du feu.

En conséquence, bien qu’ils soient supérieurs en nombre, le recrutement de volontaires se fait difficilement, tout comme la professionnalisation. « On voit que la jeunesse ne s’y intéresse pas. Au dernier concours, on a eu une trentaine de candidats pour 20 postes », indique Anthony Guépy, officier sapeur- pompier à Nouméa.
Afin d’augmenter le montant des indemnités et salaires et de l’uniformiser sur l’ensemble du territoire, une des solutions pourrait être de faire passer ce statut (communal pour le moment) au niveau provincial ou territorial. « Vu les restrictions budgétaires des communes et ce qui se passe en ce moment, ça pourrait bientôt arriver », glisse Mauro Pizzolitto.

  • PAS DE RETRAITE

Autre élément à incorporer dans la refonte du statut : celui de la retraite, qui n’existe pas pour les volontaires. Si bien qu’« aujourd’hui, certains, qui ont 10-15 ans de service derrière eux, ne touchent rien du tout une fois à la retraite », soulève Mauro Pizzolitto.

Dans l’Hexagone, ceux-ci peuvent avoir droit à une prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), « une sorte de retraite pour les sapeurs volontaires, qui ne représente pas grand-chose, mais qui permet à ceux qui ont donné toute leur vie dans cette fonction d’avoir un petit truc en plus pour les remercier de leur investissement », explique Anthony Guépy. Par ailleurs, alors qu’en Métropole l’âge de départ à la retraite pour les pompiers a été « bloqué » à 57 ans, pour ceux du territoire, il est fixé à plus de 60 ans.

  • UNE ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE COMPROMISE

Les pompiers dénoncent également une difficulté à évoluer professionnellement, due en partie à un « décalage » important avec l’Hexagone, où des grades toujours en vigueur en Calédonie n’existent plus. « Quand on envoie un major en formation en Métropole, on le regarde avec les gros yeux en lui disant : “ça n’existe plus, pour suivre cette formation il faut être lieutenant” », cite, comme exemple, Anthony Guépy. Sur le territoire, les pompiers ont la possibilité de « gravir les échelons » seulement jusqu’au grade de major. Après, « il n’y a plus rien, regrette l’officier. Alors qu’en Métropole, il y a une possibilité de passer lieutenant de deuxième classe, puis de continuer pourquoi pas jusqu’à capitaine. Donc comment remotiver quelqu’un quand il sait qu’il restera major et qu’il ne bougera pas ? On n’a plus aucun levier pour lui dire : “t’as bien travaillé, je vais te donner un truc en plus” ».
En conséquence, « les jeunes n’ont pas forcément envie de s’engager. Nous en avons qui sont venus, qui ont fait deux ans et sont repartis. Pourtant, ils avaient envie, mais ils se sont dit : “je me fais insulter, caillasser, j’exerce un métier difficile et je n’ai pas d’évolution” », relève Anthony Guépy.

  • UNE NON-RECONNAISSANCE DES ACQUIS

La modification du statut devra également prendre en compte les acquis des jeunes sapeurs-pompiers et des jeunes issus du bac professionnel métiers de la sécurité. Actuellement, lorsque ceux-ci souhaitent devenir pompiers volontaires, « ils repartent à zéro », sans prise en compte du travail précédemment effectué. De la même façon, certaines spécialités que les pompiers ont la possibilité d’acquérir (feux de forêt, intervention à bord des navires, etc.) ne sont pas reconnues. Alors que cela « pourrait légitimer le fait d’être opérationnels » et justifier de « quelques indemnités » supplémentaires.

Nikita Hoffmann

Une évolution « compliquée » à mettre en place

Dénoncé à de maintes reprises, le statut des pompiers calédoniens peine pourtant à évoluer. Cette stagnation s’explique, selon Mauro Pizzelitto, par la « difficulté à mettre tout le monde [c’est-à-dire les chefs de centre, la Sécurité civile, les cinq syndicats de pompiers du territoire et les maires, ndlr] autour de la table ». La dernière démarche en ce sens remonte à 2018, lors de la manifestation des sapeurs-pompiers du Grand Nouméa devant le gouvernement et du mouvement de grève qui s’en est suivi. Malgré cet événement, « nous sommes toujours dans la même problématique aujourd’hui », regrette Mauro Pizzolitto.