[DOSSIER] Le santal, joyau des îles Loyauté

Présent sur les trois îles, le santal est utilisé depuis des décennies dans la cosmétique et la parfumerie. À Maré, la société Serei No Nengone transforme le bois en essence et en huiles essentielles pour alimenter des parfums de luxe.

Sa senteur boisée ne laisse aucun nez indifférent. Il suffit d’humer : une odeur chaleureuse, persistante, apaisante. Le bois de santal se reconnaît les yeux fermés. Pas étonnant qu’il soit devenu une star dans le monde des fragrances. La cosmétique et la parfumerie se l’arrachent depuis des années afin de sublimer leurs produits. Des gouttes précieuses qui sont extraites à partir des trésors des îles Loyauté. Ce bois très prisé pousse à Ouvéa, Lifou et Maré. Mais c’est bien à Nengone que le santal a construit sa renommée. « C’est l’usine historique », indique Marcel Hmana, directeur adjoint à la Direction du développement économique à la province des Îles.

Depuis 2008, la société privée Serei No Nengone transforme le bois en essence et en huiles essentielles. Une partie de la production est utilisée dans la conception de parfums locaux. L’autre est revendue dans le cadre de contrats avec de grands parfumeurs français. Le santal indien (Santalum album) a toujours été la référence mondiale destinée à la parfumerie haut de gamme.

Sa pérennisation est toutefois compromise depuis quelques années face à la surexploitation forestière. L’absence de visibilité de la disponibilité de cette matière première a toute de suite inquiété les grands parfumeurs qui ont cherché d’autres sources d’approvisionnement. Ils se sont tournés vers les îles Loyauté. Nouveau spot par excellence d’un santal de qualité.

DE L’OR NOIR DANS LES PARFUMS HAUT DE GAMME

À Maré, l’unité d’extraction d’essence aromatique alimente, en essence de santal, les plus grands noms dans le monde du parfum. La société, détenue majoritairement par des Maréens associés au groupe Robertet (numéro un mondial des produits naturels en parfumerie), garde le secret sur ses clients et sa production.

Selon l’étude de l’IEOM sur l’économie des îles Loyauté, datant de juillet 2022, l’usine a fait ses preuves avec la mise en place d’un procédé innovant d’extraction à moins de 30 degrés. Il permet ainsi la production d’essence de grande qualité, à partir d’un bois provenant des îles de Maré et de Lifou acheté à la SARL Takone, propriété des autorités coutumières.

UNE RESSOURCE PROTÉGÉE ET RÉGLEMENTÉE

La ressource, en voie de disparition dans plusieurs coins du globe, est très protégée. Son exploitation répond à des conditions strictes : le santal doit notamment être arrivé à maturité pour être coupé, et trois arbres doivent être plantés pour chaque arbre coupé. « On est là pour surveiller la ressource. La province des Îles délivre chaque année une autorisation de coupe aux opérateurs*. Ces derniers doivent respecter le quota de coupe par île », explique Marcel Hmana. À Maré, ce sont 250 tiges, Lifou 175 et Ouvéa 382.

Afin de lutter contre le braconnage, encouragé par quelques acheteurs étrangers qui négociaient le bois à des prix attractifs pour l’expédier sous forme brute vers l’Asie, le gouvernement, saisi par la province, a acté le 8 décembre 2015 l’interdiction de toute exportation de bois de santal brut. Toujours d’après l’étude de l’IEOM, les volumes exportés d’huiles essentielles de santal et de niaouli s’élèvent à 10,7 tonnes pour une valeur de 650 millions de francs en 2020.

Selon Marcel Hmana, la filière santal « se porte bien ». « Si on arrive à bien protéger la ressource, c’est une filière d’avenir », assure-t-il. La province des Îles attend les résultats d’un inventaire qu’elle mène tous les dix ans pour estimer la ressource et redéterminer les quotas de cet arbre précieux.

Edwige Blanchon

Photo : L’exploitation du santal répond à des conditions strictes. / G.C.

Un bien convoité dès le XIXe siècle

Dès 1841, les Européens, dans le sillage des grands navigateurs, décèlent la présence de santal en Nouvelle-Calédonie. Les santaliers vont alors récupérer le bois précieux dans les îles, le livrent en Chine et reviennent en Australie avec du thé. Les Mélanésiens reçoivent en contrepartie des outils, du tabac et des tissus. La ressource a ainsi été fragilisée dans toutes les zones où le santal était endémique.