Très fragiles avant les émeutes de mai 2024, les finances publiques de la Nouvelle-Calédonie sont aujourd’hui dans un état dramatique. Endettement, recettes fiscales… les tendances ne sont pas bonnes, du tout. Le territoire pourrait ainsi se retrouver à court terme dans un cycle de recours à la dette systématique face à un décollage de l’économie insuffisant.
Les chiffres sont calamiteux. Tant à Nouméa qu’à Paris, la recherche de voies pour éviter l’effondrement occupe les réunions. La question, inimaginable il y a quelques mois encore, fait surface aujourd’hui. La Nouvelle-Calédonie est-elle entrée dans une effroyable spirale financière ? Autrement dit, le potentiel de croissance, tiré d’un proche plan de relance, sera-t-il suffisant à court terme pour supporter le poids de la dette et les dépenses courantes ? En clair, le territoire ne serait-il pas condamné à emprunter encore et encore pendant plusieurs années pour maintenir son économie ?
Des politiques et économistes confirment l’acuité de ce sujet de la soutenabilité. Sujet qui, par déduction, s’est renforcé, jeudi 9 octobre, au Congrès, lors de l’examen de la convention relative à la seconde tranche du prêt garanti par l’État, contracté auprès de l’Agence française de développement à la suite de la crise de mai 2024. L’assemblée a voté en faveur – sauf le groupe UC-FLNKS et Nationalistes qui s’est abstenu – du versement de ces 28,6 milliards de francs : 23,8 milliards ainsi que 2,5 milliards destinés aux communes et autres cantines scolaires, versés dès la signature de la convention, enfin 2,3 milliards sous réserve, jusqu’au 31 décembre, du respect de certains engagements – non-réduction des recettes et non-augmentation des dépenses, etc.
Les conditions du prêt font causer, avec un taux d’intérêt autour de 4,5 % sur 25 ans et des pénalités en cas de retard. Comme pour un particulier acquéreur d’une maison. Alors que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale proposent des modalités nettement plus favorables selon les cas, aux pays en défaillance.
NEUTRALISATION
Avec cette seconde tranche du prêt, à fin 2025, l’endettement propre de la Nouvelle-Calédonie atteindra le ratio spectaculaire de 360 % des recettes réelles de fonctionnement, soit un niveau quatre fois supérieur au seuil prudentiel, plafond, de 90 %. Surtout, le coût total des intérêts de la seconde tranche est estimé à 23 milliards de francs. Selon nos informations, l’annuité de la dette Covid et post-émeutes sera de 7,5 milliards de francs en 2026 tout comme en 2027, puis 9 milliards en 2028, avant de monter à un « rythme de croisière » de 9,5 milliards en 2029.
Une somme colossale, qui correspond, hasard des chiffres, à l’écart de recettes fiscales sur le territoire entre les prévisions du début 2025 et le constat en fin d’année. Plus exactement, la perte serait de 10,5 milliards de francs. Les recettes fiscales passent en effet de 165 milliards estimés à environ 155, contre, pour rappel, 204 milliards en 2023. Ce qui pose un vrai souci : le prêt ne viendrait que neutraliser la perte fiscale, et ne pourrait donc pas jouer son rôle de relance.
Le gouvernement a imaginé un plan pour financer ce manque de ressources évalué à 10,5 milliards de francs causé par une baisse du rendement des impôts sur les sociétés et sur les dividendes ainsi que de la taxe générale sur la consommation. L’idée présentée aux élus : prendre 6,5 milliards disponibles dans l’enveloppe « chômage spécial exactions et mesures pour l’emploi » ; 3 milliards dans le budget de répartition, soit des recettes en moins pour les collectivités ; enfin un milliard dans le budget de reversement. Tel est le projet, évidemment modifiable.
Et une épreuve de taille se présente. Évalué dans un premier temps à 20 puis 50 milliards, le besoin potentiel de financement pour équilibrer les comptes du budget primitif 2026 de la Nouvelle-Calédonie grimperait à 80 milliards de francs avec les déficits du Ruamm ou encore du régime des retraites. Où les trouver ? Sur l’emprunt de 120 milliards contracté en février 2025, le reliquat de 24,6 milliards de francs, après les versements de 66,8 milliards fin mars puis 28,6 en ce mois d’octobre, est non seulement bien insuffisant, mais est en outre prévu sur les exercices 2026 et 2027. De nouveaux fonds sont indispensables. Selon Thierry Santa, membre du gouvernement chargé du budget et des finances, les discussions sont en cours.
Yann Mainguet
53 %
D’après les calculs du gouvernement, si les dettes contractées pour la gestion des crises Covid et post-insurrection de mai 2024 sont exclues, le ratio d’endettement consolidé ressort à 53 %, soit un niveau inférieur au seuil de prudence de 90 %.

