Lourdement affectée, la zone de Ducos reprend peu à peu son activité. Consommateurs et travailleurs réinvestissent les lieux, malgré une peur encore présente.
Le silence pesant des premières semaines d’émeutes a été remplacé par le ronronnement des véhicules. Sur les trottoirs, les oriflammes publicitaires des entreprises sont de nouveau de sortie, côtoyant de près les camions de livraison.
De prime abord, cinq mois après la dégradation d’un bon nombre de ses entreprises, le quartier de Ducos semble avoir retrouvé son agitation et son affluence habituelles. Ou presque. « Je ne dirais pas que tout est revenu à la normale, mais la vie reprend doucement », atteste Jérôme, transporteur-livreur pour une entreprise vendant du mobilier de bureau. Depuis quelques semaines, ce dernier estime même avoir retrouvé un taux d’activité similaire à avant le 13 mai. « Dans le Grand Nouméa ou ailleurs, beaucoup d’entreprises ont brûlé et ont dû déménager autre part pour travailler. Du coup, elles nous contactent pour de nouveau avoir des chaises et des bureaux, par exemple. »
LA MÉFIANCE PERSISTE
Ce regain d’activité, Catherine*, employée au sein d’une des stations-service, le ressent également. Il faut dire que sur trois structures présentes avant la crise, il n’en reste désormais que deux. « Il y a aussi un commerce d’alimentation qui a brûlé dans le coin, donc forcément, les personnes sont plus nombreuses à venir ici », témoigne-t-elle. Même écho au sein d’un magasin de vêtements positionné au sein du centre d’affaires : « j’ai les mêmes chiffres qu’avant. Au début, les gens achetaient moins, mais maintenant ça revient doucement », précise Jennifer, la vendeuse.
Si la vie semble ainsi reprendre, la méfiance persiste. En témoignent les fils barbelés installés récemment en haut des clôtures encadrant les entreprises et les commerces, ou encore la présence immuable des abris de fortune mis en place dans les premières heures des émeutes pour « monter la garde » devant les bâtiments. « On n’est pas rassurés. Il y a toujours une crainte que ça redémarre », confie Sandrine, employée au sein d’un magasin de carrelage.
« PAS ENCORE LE DUCOS D’AVANT »
Beaucoup se méfient du retour au calme, mais aussi des autres personnes. « On ne voyait pas ça avant. Aujourd’hui, on sent cette méfiance dans les regards, lorsqu’on est amené à discuter avec une personne d’une autre ethnie que nous », livre Olivier*, garagiste. Un témoignage que Jérôme* relativise : « Ducos, c’est un lieu de mixité sociale, on est très mélangés, donc les relations reprennent assez facilement. Il y a peut-être eu des tensions au début du fait des émeutes et de la colère, c’est vrai, mais c’est assez vite retombé », considère celui-ci.
L’activité économique redémarre lentement, pour le moment, « ce n’est pas encore le Ducos d’avant », estime Marine*, qui travaille dans une des boulangeries du quartier. « On ne fonctionne pas de la même manière. Ne serait-ce que pour aller faire son plein de voiture ou récupérer quelques affaires dans un magasin qui autrefois était à proximité. Ce sont des habitudes différentes à prendre ».
Nikita Hoffmann
*Prénoms d’emprunt