Dossier : Le parc est en « bonne santé », une raison de plus de le préserver

La biodiversité du parc est aussi riche qu’elle est fragile. Si elle semble pour l’instant dans un bon état, des scientifiques et associations appellent à davantage de vigilance et à renforcer la conservation des espaces les plus vulnérables.

« Les populations d’oiseaux marins sont abondantes et diversifiées. Il y a de nombreux lieux de reproduction et un espace maritime plutôt en bonne santé. » Éric Vidal, directeur de recherches à l’IRD*, mène une vaste étude sur le sujet. « Les premiers résultats montrent que la plupart des espèces se portent plutôt bien, malgré des menaces latentes. La situation est globalement meilleure qu’ailleurs, même si cela dépend des espèces et des sites, et qu’il faut rester vigilant. » La raison en serait une pression humaine moins forte : « pas de licences étrangères pour la pêche et des îlots éloignés et difficiles d’accès, ce qui les préserve naturellement ».

Un état des lieux qui engage d’autant plus les institutions à sauvegarder ce patrimoine. Parce qu’à l’échelle mondiale, c’est l’inverse, les oiseaux marins déclinent et subissent des périls, « dérangement lors de la reproduction, dégradation de l’habitat, baisse des ressources halieutiques en raison de la pêche industrielle… ».

L’étude viendra nourrir, entre autres, la réflexion concernant l’effet de la fréquentation des îlots sur les oiseaux marins. Notamment ceux de Chesterfield et d’Entrecasteaux. « On s’est rendu compte, chose qu’on ignorait il y a encore trois ans, que les oiseaux ne se reproduisent pas seulement pendant l’été austral, mais aussi en hiver, raconte le biologiste, période pendant laquelle ils sont particulièrement sensibles, ce qui augmente encore plus la valeur de ces lieux. » D’autres travaux sont en cours sur les monts sous-marins et les milieux pélagiques. Éric Vidal est confiant. Le parc est en devenir. « Il est plutôt en bon état et il faut le préserver. On peut faire mieux, c’est un processus en cours. »

« Améliorer les pratiques »

François Tron, directeur de programme à Conservation International, relève justement les principaux thèmes qui devraient être abordés par le comité de gestion : « restaurer une participation effective des autorités coutumières, protéger de manière forte les monts sous-marins et traiter du sujet de la pêche hauturière, qui ne l’a encore jamais été ». Notamment de la prise des requins. « Il ne s’agit pas de remettre en cause cette pêcherie, mais d’en améliorer les pratiques. » L’associatif n’est pas opposé à d’autres activités, à condition qu’elles soient très encadrées. « Si on peut capter de l’hydrogène via des sources ou trouver des molécules sans opérer d’extraction, par exemple, c’est intéressant. »

Action Biosphère, également membre du comité de gestion, appuie, elle, sur la nécessité de renforcer la protection du parc face à la baisse des rendements de la pêche, la diminution du nombre d’oiseaux marins sur certains îlots ou encore la régression des populations d’holothuries et de bénitiers à d’Entrecasteaux relevée par une étude** de suivi de ces récifs en 2021, qui indique que « leur densité a décliné ». L’association s’élève aussi contre la possibilité de croisières et appelle à un moratoire sur l’exploitation des réserves minières.

« S’abstenir de fréquenter » certains espaces

Philippe Borsa, chercheur de l’IRD « indépendant », insiste-t-il, juge la situation tout simplement insatisfaisante. « 2 % du parc sont protégés, c’est extraordinairement peu. Il est urgent de préserver les espaces les plus vulnérables », car « les activités humaines dégradent les écosystèmes de façon insoutenable ». Le tourisme, même « respectueux de la nature », dérange les espèces sensibles. « Il faut accepter de s’abstenir de fréquenter les derniers espaces où elles se reproduisent. » Seules les zones « sanctuarisées » montrent un début de restauration de la biodiversité et bénéficient, par effet de débordement, aux espaces adjacents.

En attendant la tenue des discussions, Ensemble pour la planète demande d’appliquer le principe de précaution et de donner, au moins temporairement, à toutes les îles éloignées, récifs et lagons associés « le statut de réserve intégrale afin d’éviter toute pression, qu’elle soit touristique ou minière ».

François Tron s’interroge. Finalement, pourquoi aller si loin alors que « le grand lagon sud offre déjà des récifs en bonne santé avec un fonctionnement encadré ? Je pense qu’il y a largement de quoi faire autour de la Grande Terre et des Loyauté. »

 

Anne-Claire Pophillat (© Amandine Danteny)

 

*Institut de recherche pour le développement.

**Communautés biologiques et habitats coralliens des atolls d’Entrecasteaux ‒ État des lieux 2021 ‒ Maintien de l’intégrité, par Laurent Wantiez, Philippe Frolla et Daisy Goroparawa, Conservatoire d’espaces naturels (CEN) et UNC.