[DOSSIER] Le CRC veut résister

L’ambition du CRC est d’« incarner une résistance, qui a d’abord été une résilience », jugent ses représentants. (©Y.M)

Mis en place l’an dernier en opposition aux émeutiers, le Collectif de résistance citoyenne ou CRC, émanation d’unités de voisins vigilants, s’estime aujourd’hui « renforcé » et « organisé ».

Les tricots frappés des trois lettres se sont rassemblés à Saint-Michel en soutien aux Mondoriens du sud ou encore à Poya pour marquer le désaccord face aux revendications foncières dont la famille Metzdorf a notamment été la cible.

Le groupe a aussi été aperçu, samedi 22 février, près de la croix de Lorraine à Nouméa pour l’accueil mouvementé du ministre des Outre-Mer, Manuel Valls, sous les drapeaux tricolores. Les affiches aux motifs sans équivoque sont repérées ici et là. Tout comme le sigle peint sur la route. Le CRC, pour Collectif de résistance citoyenne, est toujours en place, un an après l’éclatement des émeutes urbaines. « Tout peut arriver, surtout après l’échec des négociations » sur un projet d’accord institutionnel en « conclave » achevé mercredi 7 mai au soir à Deva, explique le porte-parole, Willy Gatuhau, ancien maire déchu de Païta. « On est organisés, on est prêts à réagir. » En l’occurrence, dresser des barrages, se défendre, se protéger. « Il faut qu’ils le sachent en face, ceux de la CCAT, c’est qu’il n’y aura plus jamais de 13 mai bis sans nous ».

Né en août 2024 sur la base de la coordination de voisins vigilants du Mont-Dore, de Païta et de Dumbéa, puis de Nouméa, le CRC recensait, au plus fort des exactions, entre 1 500 et 2 000 habitants actifs dans les quartiers et 230 référents, selon les représentants de la structure. Une entité qui n’a aucune existence juridique à ce stade, donc pas de carte d’adhérent, etc.

Selon Willy Gatuhau, il y a aujourd’hui autant de membres qu’auparavant, sinon plus. La charte du CRC, publiée sur sa page d’un réseau social, expose des motivations très claires. Par exemple, « le CRC reste et est avant tout un collectif citoyen dont le but principal est de défendre notre volonté du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France ». Ou encore « lutter contre toutes les formes d’injustice, d’oppression, liées de près ou de loin aux exactions de la CCAT et des indépendantistes ».

« VRAIMENT MALHEUREUX »

Lors de l’insurrection de mai 2024, le risque inhérent à l’utilisation d’armes à feu a naturellement été soulevé. À juste titre. Des faits dramatiques le démontrent. Et ce danger court toujours. D’après un rapport parlementaire publié en avril 2024, ce territoire de chasseurs compterait 100 000 armes en circulation, au total, c’est-à-dire déclarées, mais aussi détenues de manière illégale.

Le CRC prône, à la lecture de la charte, une « résistance pacifique » et « des actions non violentes ». Mais le risque de dérapage ou de riposte existe. En clair, des civils pourraient être tentés de sortir le fusil. « Ce serait vraiment malheureux, remarque le porte-parole de la structure. Nous ne sommes pas des fous, contrairement à ce que certains peuvent penser. Nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. »

Au-delà de l’animation de réseau via des réunions ou une séance sur les moyens de communication, le groupe a sollicité l’intervention d’un avocat, par ailleurs membre du CRC. Un atelier a été organisé sur la légitime défense d’un point de vue juridique. L’important était ici de « rappeler aux membres du CRC, quels qu’ils soient, ce qu’ils encourent s’ils se faisaient justice eux-mêmes », note Willy Gatuhau qui souligne que « la résistance, c’est aussi l’information ».

Le collectif a ainsi pris en charge la venue sur le territoire du professeur de droit privé à Melbourne, Éric Descheemaeker. « Il était temps de faire entendre une autre voix », insiste le porte-parole. Des propos et écrits du juriste sont néanmoins contestés par des spécialistes des textes de loi.

Des habitants se sont légitimement posé la question : le CRC est-il affilié à un mouvement politique de la place ? Le groupe se déclare transpartisan, car composé de sympathisants à la sensibilité plutôt proche de celles de Générations NC, du Rassemblement-LR ou encore des Républicains calédoniens… « On a de tout », signale Willy Gatuhau. De tout, mais non-indépendantistes. « Des loyalistes qui ne sont pas pilotés par les appareils politiques ».

Yann Mainguet