Les saccages et les incendies de bâtiments ont généré un grand nombre de déchets. Leur diversité et leur quantité obligent les collectivités et les entreprises à innover.
Du bord de la route, les tas de gravats se suivent et se ressemblent dans les nombreux commerces et indus- tries incendiés. Pour les professionnels de la déconstruction et du traitement des détritus, la nuance est importante. S’agit-il de déchets inertes ? Sont-ils brûlés ? Dangereux ? Contiennent-ils du métal ? Ou de l’amiante ?
« Nous sommes parfois face à une espèce de soupe dont il n’est pas évident de distinguer les différents matériaux : des cendres, de la ferraille, du plastique… », observe Bastian Morvan, directeur adjoint de la 3DT (direction du développement durable des territoires) de la province Sud. « La difficulté est d’aller sur un site, d’identifier tous les types de déchets que les sociétés peuvent y trouver et d’estimer les volumes », constate Lindsay Richard, manageuse du cluster de gestion des déchets, Acotred Pacifique.
OÙ STOCKER ?
Après le 13 mai, professionnels et institutions se sont réunis régulièrement pour réglementer cette montagne de débris à traiter. province a ainsi adopté le 12 septembre une délibération sur le sujet. Cet encadrement juridique permet de « simplifier les démarches tout en maintenant l’accent sur le contrôle du risque de pollution et la maîtrise des coûts », précise Bastian Morvan. « Ça a rajouté une dimension déchets qui n’avait pas du tout été prise en compte initialement par les assurances », complète Lindsay Richard.
La délibération détaille la nature des résidus et leur lieu de traitement. Avec une situation inédite : les déchets brûlés. « Nous sommes intervenus assez rapidement auprès de la 3DT pour mettre en place cette filière, parce qu’elle est un peu nouvelle et que nous avions l’expérience du sinistre de Serdis [en 2013 à Ducos] », se souvient Marc Le Roux, responsable des exploitations à la CSP. La province Sud a délivré un arrêté d’autorisation à la Calédonienne de services publics d’enfouir les déchets non dangereux. Un « casier » d’une capacité de 5 000 m a été créé à Gadji sur un site isolé.
Une autre problématique s’est imposée, le manque de place pour recevoir les gravats nécessitant un traitement. La province Sud a mis à disposition d’entreprises spécialisées, de manière temporaire, des parcelles sur Koutio-Kouéta.
Bien que les lieux de stockage soient aujourd’hui identifiés, ils ne se remplissent pas pour autant. Au grand étonnement des spécialistes. « Depuis l’ouverture du casier à Gadji, nous avons reçu près de 1 100 tonnes », compte Marc Le Roux. « Nous avons près de 500 entreprises incendiées et on n’atteint pas la vingtaine de chantiers commencés », s’aperçoit Lindsay Richard. « Il y a encore une attente au niveau des assurances pour la prise en charge. » Des mises en chantier retardées aussi par la présence potentielle d’amiante.
DES RISQUES DE POLLUTION
Bien que le traitement des déchets soit encadré, « nous avons des signalements d’entreprises peu scrupuleuses qui s’improvisent entreprises de déconstruction », note le directeur adjoint à la 3DT. « Elles ont tout à fait le droit de se mettre dans la démolition, mais il y a des règles à respecter. Quand on faisait de la location d’engins ou du terrassement, on ne peut pas s’inventer toutes ces connaissances », rappelle la manageuse du cluster, qui prévient : « attention aux devis reçus ». C’est pourquoi Acotred et la Fédération calédonienne du BTP ont réalisé une liste d’opérateurs recommandés.
La crainte porte sur le risque de décharges sauvages. « Nous voyons des chantiers qui avancent ou des sites qui sont déconstruits et, parfois, nous n’avons pas la demande qui correspond », regrette le responsable de la CSP. « Nous essayons de veiller au grain, mais les signalements tendent à nous indiquer qu’il y a des mauvaises pratiques », admet Bastian Morvan, bien qu’aucune infraction n’ait pour l’instant été constatée. L’association environnementale Ensemble pour la planète appelle à « la plus grande vigilance sur la tentation maintes fois avérée de privilégier le revenu à la sécurité ».
Fabien Dubedout