[DOSSIER] L’Azerbaïdjan s’en mêle

Partenaires historiques des accords, l’État, les loyalistes et les indépendantistes voient un acteur inattendu s’inviter dans leurs rapports institutionnels. Pas par la grande porte, mais subrepticement, à distance, et par des intermédiaires.

L’Azerbaïdjan s’intéresse aujourd’hui à la Nouvelle-Calédonie. Les relations entre le pays pétro-gazier du Caucase d’un côté, et l’Union calédonienne et la cellule de coordination des actions de terrain (ou CCAT) de l’autre, se sont clairement intensifiées ces derniers mois. Au point où Paris prend l’affaire très au sérieux.

Les liens avec les indépendantistes alors du FLNKS remontent à 2018, au moment de la première consultation d’autodétermination, lorsque l’Azerbaïdjan présidait le mouvement des non-alignés. L’organisation internationale, fondée sur le principe de pencher ni vers le bloc de l’Est, ni vers celui de l’Ouest, est connue pour son accent anticolonial. La création du Groupe initiative de Bakou (GIB) l’an dernier, selon une volonté azérie, marque un tournant, puisque cette plateforme réunissant des structures indépendantistes de l’outre-mer représente désormais un outil en faveur de la décolonisation, doté de financements.

DÉSTABILISATION

Si le logo du GIB est mis en évidence sur des tricots portés lors de mobilisations de la CCAT, au moins deux événements vont soulever la polémique en Nouvelle-Calédonie. Tout d’abord, la signature par l’élue indépendantiste Omayra Naisseline d’une première intention de coopération interparlementaire entre le Congrès et l’Assemblée nationale azérie mi-avril à Bakou. Puis, toujours dans la capitale, la participation de l’UC Mickaël Forrest au Congrès des colonies françaises, ces 17 et 18 juillet. Le ton est direct. L’État tricolore est visé.

Quelle est l’intention du Groupe initiative de Bakou ? Déjà, de la visibilité. Au-delà des affiches et drapeaux à Nouméa, la page du GIB sur un réseau social n’hésite pas à relayer des extraits du congrès et des photos d’Emmanuel Tjibaou à Paris à l’issue d’une conférence de presse.

Mais pourquoi tant de visibilité ? Des experts et journalistes évoquent une démarche de « déstabilisation » du pouvoir français. « En s’opposant à une France supposément “coloniale”, l’Azerbaïdjan se donne le beau rôle, en légitimant son propre discours “libérateur” à l’encontre d’une Arménie prétendument “occupatrice”. Ceci pour mieux pouvoir justifier pressions et attaques sur l’Arménie voisine, dénommée “Azerbaïdjan occidental”», estime Alexandre Jadin dans Philosophie Magazine. La Nouvelle-Calédonie ne serait alors qu’un rouage dans un conflit de frontière ? Et jusqu’où ira cette coopération ? Derrière l’Azerbaïdjan, l’ombre russe apparaît.

Y.M.