[DOSSIER] « Laisser les gens au bord de la route, ce n’est pas possible »

Le GIE Karuïa aimerait que des solutions soient rapidement trouvées, pour que ses bus reprennent la route. © Yann Mainguet

La direction de Karuïa réclame au SMTU le lancement rapide d’un service minimum. Pour sauver le réseau, qui emploie 400 personnes et dont dépendent plusieurs milliers de familles, les syndicats de Carsud proposent une prise en charge partielle du transport du salarié par son employeur.

La résiliation des délégations de service public, l’USTKE la comprend. « Financièrement, les collectivités ne peuvent pas suivre. C’est normal qu’elles dénoncent l’accord. On ne peut pas contester cette décision », estime Rodolphe Wédé, secrétaire général de la fédération Transport et représentant du syndicat chez Carsud. « On vivait au-dessus de nos moyens. On était aux abois et le 13 mai nous a achevés. »

Doté d’un budget de près de 5 milliards de francs – environ 40 % de taxes sur le carburant, 35 % de subventions des collectivités et 25 % de recettes commerciales – le réseau de transport en commun aux 400 salariés est déficitaire depuis son unification sous la bannière Tanéo.

« L’erreur originelle date de 2019 », considère lui aussi Francisco Sione, secrétaire général du Soenc Transports. « Tous les risques financiers étaient portés par le délégataire », soit le SMTU, et à travers lui les quatre mairies de l’agglomération. « Quel que soit le nombre de personnes transportées, on était payés pareil, et le public compensait les pertes. Il faudra que cela change. » Le délégué syndical du Soenc chez Carsud « comprend » donc la résiliation, même s’il regrette « un choix de facilité qui néglige les conséquences humaines et économiques ».

LA REPRISE, UNE NÉCESSITÉ

La critique, commune aux deux syndicalistes, réside dans l’absence de mise en œuvre immédiate de service minimum, une option évoquée par la direction du SMTU. Elle est également prononcée du côté patronal : dans un communiqué commun, le Medef et Karuïa estiment que la reprise est « urgente ». « Le Medef soutient cette demande car l’absence de transport empêche notamment les salariés de rejoindre leurs lieux de travail paralysant ainsi la reprise de l’activité économique », écrit l’organisation.

« On a fait une proposition de reprise avec 10 lignes contre 15 habituellement. En face, on nous parle seulement de 4 lignes. D’abord, laisser les gens au bord de la route, ce n’est pas possible. Et deuxièmement, il y aura des licenciements, ça c’est clair », regrette Joseph Saliga, président du GIE Karuïa Bus qui fait travailler près de 250 personnes. « Il n’y a aucune logique dans leur contre-proposition. Ils veulent un réseau qui va coûter moins cher ? On a fait une proposition qui ne coûte rien aux collectivités ! »

Dans son plan, la somme apportée par les collectivités (1,8 milliard) serait principalement retrouvée « en se rémunérant sur la vente des titres de transport sur la base d’un tarif unique », quand l’offre actuelle est faite d’une diversité d’abonnements, le plus cher étant à 8 900 francs par mois. « On a une population qui a besoin d’être transportée, notamment pour aller au travail. L’usager est prêt à payer le ticket plein pot », assure Joseph Saliga, qui parle d’un aller simple à 350 francs, contre 300 francs pour le ticket secours actuel. « Ce serait une solution de dépannage jusqu’à la fin de l’année. » Le GIE Karuïa s’est d’ailleurs mobilisé mardi 6 août près du dépôt de Ducos pour défendre son projet.

« QUI PEUT SE PERMETTRE DE PAYER LE DOUBLE ? »

Rodolphe Wédé est dubitatif devant ce calcul. « S’il faut compenser la part des collectivités, l’augmentation sera bien supérieure. Et aujourd’hui, les gens perdent leur travail ou ont des revenus qui baissent. Qui peut se permettre de payer le double ou le triple ? », questionne le représentant de l’USTKE, pour qui les collectivités devront continuer de financer le réseau, quoique dans une moindre mesure.

Les nouvelles modalités de financement sont appelées à être inscrites dans les prochains contrats de délégation de service public, qui seront préparés dans les mois à venir et qui entreront en vigueur en février 2025. Pour Francisco Sione, c’est le moment d’être « innovant » tout en s’inspirant de la Métropole, dont l’exemple est parfois bon à suivre. « Dans le financement du réseau, on pourrait intégrer les organisations patronales. L’employeur pourrait payer une partie de l’abonnement de son salarié », le taux métropolitain étant de 50 % de prise en charge, avec une fiscalité incitative pour l’employeur. « C’est une solution à laquelle il faut réfléchir au plus vite », insiste Rodolphe Wédé.

Gilles Caprais