Soutenue par des températures élevées et un vent sec, une sécheresse s’est installée depuis six mois. Toutefois, le phénomène La Niña est attendu avec des pluies qui ne devraient être supérieures aux normales que de 15 % en moyenne.
L’herbe a blanchi. Le sol craque. Une forte sécheresse s’est abattue sur l’archipel. Les températures aussi bien maximales que minimales, en moyenne mensuelle, se sont placées au-dessus des valeurs de saison depuis quatre mois et ce, partout sur le territoire. De +0,3 à +0,8 °C le jour et de +0,6 à +1,4 °C la nuit. Soit de l’ordre de +1 °C en moyenne.
La période étudiée étant en situation neutre, c’est-à-dire non influencée par le phénomène El Niño, ni par La Niña, cette évolution traduit « la marque caractéristique du réchauffement climatique », explique Thomas Abinun, climatologue à Météo-France Nouvelle-Calédonie, qui a observé un week-end particulièrement « estival » entre le 17 et le 19 août : les températures étaient très élevées, neuf stations ont battu leur record pour ce mois, comme à La Ouenghi (33 °C), Bourail (32,3 °C) ou Népoui (31,1 °C).
Qui dit sécheresse, dit manque de pluie. Sur les six derniers mois, entre avril et septembre, tous les bilans de précipitations, au regard des cumuls normaux, sont déficitaires, à l’exception de juillet. Là encore, ce manque d’eau concerne tout l’archipel. La côte Nord-Ouest est la plus touchée (-51 % de pluie), avec des conditions de sécheresse qui n’apparaissent en moyenne qu’une fois tous les 15 ans à Koumac, Kaala-Gomen et Koné, et même tous les 40 ans à Poum.
Un autre facteur a joué : du vent soutenu depuis deux mois, « un alizé sec omniprésent qui favorise l’assèchement du couvert végétal », indiquent les services de Météo-France. Conclusion, selon Thomas Abinun, « nous constatons un niveau de sécheresse déjà bien avancé en Nouvelle-Calédonie alors même que nous entrons en saison sèche, de septembre à novembre ». La situation est très compliquée pour les agriculteurs mais aussi pour les pompiers, les incendies ravageant de nombreuses parcelles.
UNE SORTIE EN FÉVRIER
Les modèles sont formels, La Niña arrive. Ce qui signifie, en théorie, une atmosphère plus chaude et plus humide, un alizé en retrait au profit d’un temps tropical instable plus fréquent, mais aussi un renforcement des précipitations avec toutefois une intensité variable selon les épisodes. « La Niña doit se mettre en place au cours du trimestre septembre-octobre-novembre », précise Météo-France.
Suivie de près par les prévisionnistes, l’évolution de l’anomalie de température de surface de l’océan est un indicateur clé pour catégoriser le phénomène. « Cet épisode La Niña ne va pas descendre a priori sous la valeur de -1 °C », expose Thomas Abinun. Ainsi, « nous devrions connaître cette année un La Niña de faible intensité, qui devrait être assez court puisque, dès janvier-février, nous devrions ressortir du contexte climatique » pour retrouver des conditions neutres.
Deux paramètres se cumulent : l’effet réchauffant du phénomène La Niña et celui du changement climatique. Dès lors, avec une très forte probabilité, les températures devraient être supérieures aux valeurs de saison d’au moins +1 °C entre octobre 2024 et février 2025.
Tous les Calédoniens sont encore marqués par le triple événement dévastateur entre 2020 et 2023. Après un mois d’octobre de transition, les précipitations devraient être supérieures aux normales de 15 % en moyenne, de novembre à février. Contre plus de 40 % lors des épisodes modérés ou forts. « Cette année, nous ne nous attendons pas à avoir des pluies aussi abondantes que celles connues lors du précédent épisode », résume Thomas Abinun. Mais ces prévisions n’excluent pas des déluges au passage de dépressions tropicales et des inondations ponctuelles.
PLUS FRÉQUENTES ET INTENSES ?
« L’observation des données passées montre que la fréquence, la durée et l’intensité des sécheresses ont augmenté entre la période 1951-1980 et la période 1981-2010, soit en 30 ans d’écart », souligne Thomas Abinun. Selon le climatologue, au cours de cette période, à la lecture d’une publication de Simon McGree de Melbourne en Australie, la fréquence des sécheresses au voisinage de la Nouvelle-Calédonie a augmenté de 40 %, leur durée de 44 % et leur intensité de 58 %. Toutefois, ajoute l’expert de Météo-France, ces valeurs importantes sont largement tirées à la hausse par l’oscillation interdécennale du Pacifique (IPO), un phénomène à grande échelle qui influence la variabilité climatique avec des phases d’une durée d’environ 20 à 30 ans.
« On ne peut donc pas parler de tendances sur le long terme dans ce cas. » Néanmoins, ajoute Thomas Abinun, le dernier rapport du GIEC, ou Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, annonce que
la fréquence, la durée et l’intensité des sécheresses sont amenées à s’intensifier au cours des décennies à venir si rien n’est fait pour changer la trajectoire des émissions de CO2. Aucune quantification précise n’est encore disponible sur l’évolution réelle pour la région proche de la Nouvelle-Calédonie.
Yann Mainguet