[DOSSIER] La rentrée 2025, une équation à plusieurs inconnues

Les établissements, comme ici le collège de Tuband, n’ont pas encore de certitudes sur leurs effectifs en 2025. (© Y.M.)

Le monde enseignant prépare d’ores et déjà la prochaine rentrée. Mouvements de population, fermetures et rénovation de classes, baisse de budget… L’exercice s’annonce complexe.

♦ UNE CARTE SCOLAIRE SANS BOUSSOLE

Combien d’élèves seront inscrits à la prochaine rentrée ? Et où ? Personne n’est en mesure de le dire aujourd’hui. Certains s’attendent à de nouveaux départs du Grand Nouméa dès que les enfants auront terminé l’année scolaire. D’autres prédisent un retour en février des familles parties dans les Îles ou en Brousse. « Nous sommes dans le flou artistique », résume Stéphanie Uichi, de la Fédé. La province Sud a annoncé une baisse de plus de 1 400 inscriptions en 2025 par rapport à l’année précédente. « Nous avons figé les structures de la rentrée. Nous avons commencé les mouvements pour mettre un enseignant dans chaque classe. Ce qui est difficile, c’est de savoir comment les classes seront exactement remplies », prévient Didier Vin-Datiche, le vice-recteur.

♦ DES AJUSTEMENTS SUR LES CLASSES

« L’effectif dans les classes, surtout sur la zone Nouméa et Grand-Nouméa, c’est une grosse inquiétude », indique Fabienne Kadooka, de l’UT CFE-CGT. Le vice-recteur affirme ne pas souhaiter de fermetures. « Si j’ai les moyens de laisser des classes peu chargées, je les laisserai, parce que je ne veux pas mettre davantage en difficulté notre système. » Dans une lettre adressée aux enseignants et aux directeurs, datée du 15 octobre, la présidente de la province Sud écrit : « J’ai souhaité préserver vos conditions de travail en limitant partout où cela était possible les effectifs à moins de 25 par classe et à moins de 20 dans les classes de CP des écoles identifiées comme prioritaires ». Les provinces Nord et Îles partagent ces inconnues, mais l’impact y est annoncé moins important.

♦ QUELS ÉTABLISSEMENTS ?

Plusieurs écoles ont été détruites ou partiellement endommagées. Le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, a signé le 17 octobre une circulaire concernant la reconstruction ou la restauration des bâtiments publics. S’agissant des établissements scolaires, « l’État financera intégralement le reste à charge après intervention des assurances », c’est-à-dire à 100 %. Quelles écoles sont concernées ? Pour le moment, les communes restent prudentes et n’annoncent pas les travaux à venir. Dans son courrier du 15 octobre, Sonia Backès prévient : « Les communes n’ont pas souhaité reconstruire ou rénover toutes les écoles détruites pendant les émeutes. À ces fermetures s’ajoutent celles des classes, essentiellement dans l’agglomération de Nouméa ». Selon Larissa Thonon, chargée du primaire public à l’UT CFE-CGT, « 33 ferment en province Sud, c’est la première fois que ça arrive ».

Parmi les certitudes, « nous avons deux grosses fermetures à la rentrée, le collège de Rivière-Salée et le lycée professionnel Pétro-Attiti [LPPA] », rappelle le vice-recteur. L’arrêt du collège a été acté par la province en septembre. « La fermeture de Rivière-Salée, ça ne passe pas chez nous, s’agace Jean-France Toutikian, secrétaire de l’Union des groupements de parents d’élèves (UGPE). On va batailler dans les prochaines années pour sa réouverture. » Le vice-recteur vante quant à lui les « conditions exceptionnelles » d’accueil du collège des Portes-de-Fer. Le futur du lycée est moins définitif. « Le LPPA rouvrira l’année prochaine ses plateaux techniques pour garantir les formations professionnelles, assure Didier Vin-Datiche. Dans le cadre de la reconstruction, des fonds ont été demandés à l’État et nous attendons une enveloppe financière pour engager les travaux. »

♦ DES CONDITIONS DÉGRADÉES

Hormis les cours, l’environnement pédagogique devrait être touché. Sonia Backès souligne que « des économies seront demandées sur la vie scolaire et éducative, se traduisant par moins de sorties et des projets redimensionnés ». La baisse des finances publiques aura aussi un impact sur les transports, la restauration collective et les internats. « Pour certains enfants, la seule façon de manger à la cantine, c’est grâce à la bourse », regrette Larissa Thonon. « Je pense que les parents vont faire du covoiturage ou faire appel à la solidarité familiale. On va trouver des solutions, mais des gosses vont rester sur le bas-côté », déplore Jean-France Toutikian.

♦ LE PROJET SCOLAIRE

Les premières annonces du plan S2R soutenu par le gouvernement ont laissé syndicats et parents d’élèves sur leur faim. « L’école va prendre de la place dans les phases suivantes : reconstruction et refondation », assure le vice-recteur. Un séminaire est prévu le 30 novembre sur le sujet.

« Il y a une conscience collective que la Nouvelle-Calédonie a besoin de son école pour construire et se reconstruire, affirme Didier Vin-Datiche. Je voudrais revitaliser la fonction démocratique des établissements. » « Il faut qu’on ouvre les yeux sur la réalité, préconise Jean-France Toutikian, de l’UGPE. Il y a une Calédonie à trois ou quatre vitesses avec des zones très défavorisées. On a vraiment besoin d’un moment où on se pose tous autour d’une table. » Pour Fabienne Kadooka, de l’UT CFE-CGT, « Il faut arrêter de mettre des pansements. Il faut recréer, innover, penser autrement. » Tous s’accordent sur la nécessité d’une réforme du système scolaire sur le fond, mais pas encore sur la forme.

 

Fabien Dubedout