[DOSSIER] La précarité s’installe

L’association Solidarité RS organise des « caddies solidaires » trois fois par semaine devant les grandes surfaces commerciales. Une action qui leur permet, par la suite, de redistribuer de la nourriture et des produits d’hygiène aux personnes dans le besoin. (© N.H)

Sur les réseaux sociaux, les demandes de dons alimentaires se multiplient ces derniers mois. Faute de revenu, certaines familles se retrouvent dans l’obligation de quitter leur logement. La fréquentation des structures et associations caritatives est en hausse, quand celle des établissements de loisirs et touristiques peine à remonter. Des signes qui marquent une augmentation de la précarité.

Non négligeable ‒ avec un Calédonien sur cinq vivant sous le seuil de pauvreté en 2020* ‒, la précarité a fait un bond en avant, consécutivement au 13 mai. Si elle n’a pas encore été chiffrée, elle s’avère, certainement, plus importante qu’auparavant. « On peut observer un phénomène nouveau, avec des personnes qui au départ étaient dans une situation stable et qui ont tout perdu du jour au lendemain », analyse Jean-Louis d’Anglebermes, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

EFFET DOMINO

Pas moins de dix jours avant le déclenchement des exactions, l’institution s’était penchée sur la problématique de la précarité, alertée, déjà, par l’augmentation de 20 % du nombre de sans-abri entre 2020 et 2022, par « la hausse des chiffres de la délinquance des mineurs » et par « les incidences de la crise économique sur les personnes précaires ».

À l’issue, 13 recommandations avaient été fixées comprenant, entre autres, la mise en place d’un schéma de lutte contre l’exclusion, un recensement de la population de sans-abri, leur accompagnement vers un logement individuel, ou encore l’installation d’un foyer pour les jeunes travailleurs. Des propositions qui, à l’heure où la Nouvelle-Calédonie se trouve dans une situation économique et financière critique, peuvent rapidement passer au second plan. Les besoins sont néanmoins importants. Alors, quelle(s) réponse(s) apporter ?

Lors de leur venue sur le territoire, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat l’ont évoqué, « il y a urgence, pour ne pas aggraver ces chiffres, à avoir des réponses sur le chômage partiel [afin d’accompagner la Nouvelle-Calédonie] dans une période difficile qui va durer encore, nous semble-t-il, au cours de l’année 2025 ».

En attendant, pour faire face à ces situations, des associations de solidarité se sont créées spontanément au sein de différents quartiers, comme à Rivière-Salée, Nouville, Koutio ou Ducos. Ces groupes de personnes distribuent bénévolement des produits alimentaires et d’hygiène et sont témoins directs de cette difficulté à se nourrir, se loger, ou à simplement pouvoir se déplacer. « On voit des personnes âgées à pied, […] des gens qui ont perdu le seul revenu de la famille et qui doivent faire appel à nous pour parfois une vingtaine d’individus dans la même maison », relèvent Nath et Falai, membres de l’association Solidarité RS.

Une précarité qui se répercute sur plusieurs secteurs, dont l’économie ‒ avec une baisse générale de la consommation des ménages ‒, mais également sur le fonctionnement social, avec une hausse notable du taux d’impayés des logements sociaux. Et, assurément, d’autres complications à venir…

Nikita Hoffmann

*Données de l’Isee – Dispositif de suivi de la pauvreté et des inégalités en Nouvelle-Calédonie (2020)