À partir du 15 juin, la Groupama Race doit s’élancer de Nouméa. Ce grand rendez-vous nautique n’a pas pu avoir lieu l’année dernière en raison des exactions ayant suivi le 13 mai 2024 et a dû être reporté. L’événement compte d’ores et déjà 25 inscrits, un « record » selon le président du Cercle nautique calédonien (CNC), et une preuve supplémentaire que les Calédoniens sont toujours enclins à se déployer sur leur lagon inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Espace nourricier et culturel, la mer constitue aussi un des terrains de loisirs favoris des habitants. En 2023, la Direction des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie comptabilisait 27 846 navires de plaisance immatriculés. Pour une population de 271 407 personnes, selon le recensement de 2019, cela représente 1 bateau pour 10 Calédoniens.
L’immense majorité de ce parc, 69 %, est constitué de navires de moins de cinq mètres. Le Grand Nouméa concentre les marinas (Boulari, Brunelet, Port du Sud, CNC et Moselle), mais le reste du territoire possède un maillage plus large à Port-Ouenghi (Boulouparis), Thio Mission, Koumac, Hienghène, Touho et Lifou.
CONCENTRÉ DANS LE LAGON SUD
Le monde maritime connaît toutefois des mutations depuis les événements de mai 2024. « Au niveau de l’association, on a une légère baisse du nombre de membres, qui est liée au fait que les gens envisagent moins l’achat de bateau », note Mathieu Landrieu, président du Cercle nautique calédonien. « Les gens ne se projettent plus, c’est ce qui a changé. »
Face à la recrudescence de petites annonces, il constate les « difficultés à vendre mais aussi à s’assurer ». Une autre tendance se dessine, la demande pour les navires de petite taille augmente, un souhait de « plaisance facile » et à moindre coût. Ces mutations affectent l’écosystème économique autour de la plaisance, que ce soit chez les revendeurs comme chez les entreprises spécialisées.
Globalement, le président veut rester optimiste et observe « un peu de baisse, mais pas d’effondrement ». Mathieu Landrieu s’interroge toutefois sur de nouvelles orientations en vogue depuis plusieurs années. « Les gens sont moins enclins à faire du mouillage dans les îles », précise-t-il. Cette inclinaison s’est accentuée depuis le 13 mai 2024. Que ce soit pour du tourisme ou de la plaisance, les habitants du Grand Nouméa rechignent, par crainte et parfois par conviction, à se déplacer en Brousse ou dans les Loyauté. Conséquence, « il y a une concentration de navires sur les îlots au large de Nouméa ».
Les événements qui ont ébranlé le territoire ont aussi un impact sur la venue d’équipages extérieurs ou de potentiels acheteurs. « J’ai beaucoup de demandes de sécurité. Les étrangers ont une certaine appréhension », observe Thomas Lundqvist, gérant d’une société de courtage en bateaux. Cette défiance et surtout les consignes de sécurité toujours hautes de plusieurs pays contrarient la volonté de la Nouvelle-Calédonie de développer le tourisme haut de gamme.
Le port autonome a notamment dans ses projets la création d’une marina de grande plaisance, destinée à sédentariser les yachts de luxe. Ce dossier ne fait même pas partie des cinq chantiers prioritaires portés par le Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie en 2025 : le « développement de l’aquaculture durable », la mise en place d’une « filière de déconstruction navale », la création d’un port scientifique à Nouméa, la mobilité maritime dans le Grand Nouméa et la construction d’infrastructures « de levage adaptées aux navires de plus de 1 000 t ». Faute de finances publiques, cette marina de grande plaisance, ainsi que d’autres projets structurants, restent à quai, en attendant une embellie.
F.D.