Selon Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Palika, le déplacement d’indépendantistes en Azerbaïdjan relève d’une initiative de l’UC. L’élu demande un congrès de clarification organisé par le FLNKS.
DNC : Des membres de l’Union calédonienne, comme Mickaël Forrest, viennent de s’exprimer à un « congrès des colonies françaises » en Azerbaïdjan. Qu’en pense le Palika ?
Jean-Pierre Djaïwé : Dans un mouvement de libération, une notion est très importante, c’est l’unité. Pour ce faire, au niveau du FLNKS, il faut des composantes bien organisées et de la discipline. Ensuite, un débat contradictoire doit intervenir. Mais, sincèrement, ce débat n’existe pas vraiment au sein du Front sur plusieurs sujets, notamment celui de l’Azerbaïdjan. L’Union calédonienne entreprend des démarches, ce déplacement relève de son initiative. Les membres du bureau politique du FLNKS issus du Palika en ont juste été informés.
Le FLNKS n’est-il pas mis en porte-à-faux ?
L’Union calédonienne prend des décisions, mais l’opinion internationale parle elle du FLNKS, parce que c’est le FLNKS qui porte le combat d’indépendance du pays, ce n’est pas l’UC seule. Je cite un exemple. Le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait invité le FLNKS à Paris pour la fin mai 2021. Le Front, réuni en convention à Kouaoua, avait décidé de ne pas s’y rendre. Néanmoins, l’UC a décidé d’y aller et est revenue avec la date du 12 décembre 2021 pour la tenue du troisième référendum.
Sauf que les liens avec l’Azerbaïdjan plongent les indépendantistes dans une configuration géopolitique compliquée…
Il y a un problème de lisibilité. D’un côté, compte tenu de l’ampleur de la crise, le gouvernement collégial de la Nouvelle- Calédonie a fait appel à l’État pour un appui financier. Ce même gouvernement est présidé par des indépendantistes sortis des rangs du FLNKS. D’un autre côté, l’Union calé- donienne entreprend des démarches pour contrer le pouvoir français. La situation est donc brouillonne.
Nous avons demandé un congrès de clarification organisé par le FLNKS. Vu le calendrier des composantes, il pourrait peut-être se tenir fin août ou début septembre. Je le répète, il y a besoin d’un congrès de clarification pour savoir si nous sommes toujours sur la ligne adoptée par les congrès de l’Anse Vata en 2023 et de Kaïmolo début 2024. Si ce débat n’a pas lieu, nous resterons dans une position ambiguë qui peut déboucher sur des initiatives incontrôlables.
Y a-t-il une différence de stratégie ?
Le Palika défend une position : la solution est politique et elle ne peut se trouver qu’ici, en Nouvelle-Calédonie, avec les partenaires. Ce n’est pas à l’extérieur. Les gens de l’extérieur vont venir pour nous aider, mais ce n’est pas eux qui vont apporter les solutions. Un consensus sur tous les sujets de l’accord de Nouméa, dont celui du corps électoral, sera le fruit de discussions. Tout comme le gel du corps électoral a été le résultat d’une négociation.
Le projet du FLNKS milite
pour un pays démocratique.
Les actuelles exactions ne vont pas dans le sens du combat d’indépendance (…)
que nous menons
Quel est le devenir du projet de loi constitutionnelle ?
Lors de la rencontre avec le ministre Gérald Darmanin en février 2023, nous avions insisté sur le fait qu’il ne fallait pas déconnecter le sujet du corps électoral de tous les autres. En clair, que nous allions parvenir à un accord dans lequel figurerait le point du corps électoral. Mais le ministre n’a pas voulu nous écouter et a poursuivi. Le résultat est celui que l’on connaît aujourd’hui. L’État a donc une part de responsabilité. La gestion du dossier calédonien par le ministre Darmanin a été catastrophique.
Nous le disons au Palika, le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral provincial est mort. Il ne peut plus passer au Congrès de Versailles. Vu la nouvelle composition de l’Assemblée nationale, le président de la République n’aura pas la majorité des trois-cinquièmes. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait indiqué qu’il ne fallait pas faire passer le texte au Congrès de Versailles. Compte tenu de ces éléments, nous estimons que ce projet est déjà derrière nous. Il faut donc lever les barrages. En outre, à l’image de l’affaire d’Ouvéa, le cas des prisonniers peut être résolu, selon nous, dans le cadre d’un accord avec l’État.
Croyez-vous en cette date du 24 septembre 2025 posée par le président de l’UC pour une déclaration de l’indépendance ?
Non. Ce n’est pas la solution selon nous. Ce n’est pas après avoir signé les accords de Matignon et de Nouméa qu’on va déclarer de manière unilatérale l’indépendance. Par qui va-t-on être reconnus dans ce cas ? On veut avoir un siège à l’ONU, et pour cela, il y a des règles de droit. Le projet du FLNKS milite pour un pays démocratique. Les actuelles exactions ne vont pas dans le sens du combat d’indépendance que nous avons porté depuis la création du Palika en 1976 et que nous menons.
C’est un combat déjà pour la dignité. Nous n’allons pas changer de trajectoire en cours de route. Il faut relancer maintenant le dialogue. Mais un congrès du FLNKS doit auparavant se tenir. Nous militons pour une indépendance en partenariat avec la France, et nous voulons en discuter avec les loyalistes. Il ne faut pas se maintenir dans des positions extrêmes, car nous n’arriverons pas à concilier les points de vue.
Quel sens donnez-vous au recours en justice contre l’élection d’Emmanuel Tjibaou aux législatives ?
Ne considèrent-ils* pas l’élection d’Emmanuel Tjibaou comme un équilibre politique, un élément de stabilité politique, de paix, d’entente et de vivre-ensemble ?
Propos recueillis par Yann Mainguet
*L’Association pour le Rassemblement pour la Nouvelle-Calédonie dans la République, Alcide Ponga ou encore Nadine Jalabert.