Du 11 au 14 juin, Paris a accueilli le Salon de l’innovation technologique, VivaTech. Sur les 13 500 start-up présentes, des sociétés calédoniennes sont venues présenter leurs solutions high tech: détection automatique de feux de forêt, automatisation de la gestion financière des entreprises, appui aux compagnies aériennes… Des technologies rendues possibles grâce à l’intelligence artificielle, l’IA, un sujet qui a dominé les échanges de ce grand rendez-vous. Ces start-up du Pacifique ne sont pourtant que la partie visible d’un véritable bouleversement technologique.
« Le numérique est une fonction support de tous les métiers, rappelle Thomas Avron, coprésident de la commission Data et IA du cluster Open NC. L’intelligence artificielle a déjà changé le monde du travail en Nouvelle-Calédonie. » Le Parlement européen définit l’intelligence artificielle comme tout outil utilisé par une machine capable de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». Les agents conversationnels, comme ChatGPT, DeepSeek ou Mistral AI, constituent les dispositifs les plus connus du grand public, mais de multiples usages existent et sont d’ores et déjà déployés.
Sur le Caillou, plusieurs métiers ont déjà adopté ces outils, que ce soit en médecine, en comptabilité, en agriculture et même dans les médias. Non sans écueils et risques, car cette technologie s’illustre par la rapidité de son déploiement. « On a mis 20 ans pour une adoption de masse de la micro-informatique, 10 ans pour le smartphone. On est à trois ans pour l’intelligence artificielle », évalue un spécialiste local de l’industrie.
PRODUCTIVITÉ
Le déploiement de l’IA présente un avantage pour les entreprises : un gain de productivité. Dans un rapport publié en avril 2024, intitulé « Les enjeux économiques de l’intelligence artificielle », la direction générale du Trésor estime que « pour des activités de rédaction basiques (demandes de subventions, rédactions de résumés), les professionnels utilisant un agent conversationnel se fondant sur l’IA bénéficieraient d’un gain moyen de productivité de 37 % ». Pour Thomas Avron, « cela permet de se dégager du temps pour faire de la surqualité ».
Le déploiement de l’IA rend possible la prise en charge automatisée d’un grand nombre de tâches répétitives et le travailleur pourrait se consacrer à des activités plus valorisantes. Cependant, dans une étude publiée le 14 janvier, le Conseil économique social et environnemental hexagonal craint que le temps libéré par l’IA puisse générer « un risque d’accroissement de l’intensité du travail ».
DES EMPLOIS TOUCHÉS
Les pertes et les créations d’emploi, comme les mutations des tâches attribuées, sont aujourd’hui difficiles à déterminer. Son déploiement constitue un risque « pour les métiers de la communication et des services de prestations intellectuelles », subodore le membre d’Open NC.
Le Cese estime que « le niveau de compétences, le caractère intellectuel du métier exercé, ne suffisent déjà plus à protéger l’emploi ». Dans son rapport « The Future of Jobs Report », le Forum économique mondial estime que « 60 % des employeurs s’attendent à ce qu’elles redéfinissent leurs activités d’ici 2030 ». Dans les cinq prochaines années, il présage que les principaux emplois en déclin seront « caissiers et guichetiers », « assistants administratifs et secrétaires de direction », « gardiens d’immeubles, nettoyeurs et aides ménagères ».
La question pour grand nombres d’employeurs et de travailleurs est de savoir comment aborder cette évolution technologique. Une réponse se trouve dans l’apprentissage. La CCI-NC propose désormais un parcours complet de formation dédiée à l’intelligence artificielle. Et la demande est croissante. « Depuis le début de l’année, nous avons formé 80 à 90 personnes, à des niveaux plus ou moins approfondis », comptabilise Céline Cardinaud, responsable formation à la CCI.
Cette mise à niveau est d’autant plus nécessaire que les spécialistes notent une tendance au « shadow IA », à savoir une utilisation non autorisée de ces outils par les employés sans l’approbation du service informatique. « Il y a un problème de souveraineté de la donnée », prévient l’administrateur d’Open NC. Car l’utilisation de ces services gratuits revient à confier des informations confidentielles à des sociétés américaines (ChatGPT, Gemini de Google et Meta AI) ou chinoises (DeepSeek).
F.D.