[DOSSIER] Ils recyclent avec « Hanvie » pour s’insérer dans la vie active

À la tête d’Hanvie, structure d’insertion par le travail, Rébecca Frolla-Miñana permet aux travailleurs en situation de handicap d’obtenir une expérience professionnelle tout en créant des objets design en matière recyclée. Ou comment faire du beau avec du bien.

Kévin, Jean, Josua et Raphaël font tourner les machines à plein régime. Casques sur les oreilles. Masques de protection sur la bouche. Ils travaillent minutieusement des matériaux recyclés ou de récupération. Lorsque le bruit s’arrête, la célèbre chanson de Pharrell Williams résonne dans l’atelier. Happy.

Les premières notes suffisent à rendre heureux tous ceux qui l’écoutent. Le titre porte bien son nom. Il est aussi diffusé au bon endroit : dans le dock d’Hanvie, une jeune structure d’insertion par le travail. « Quand j’ai créé l’entreprise, je ne voulais pas que ce soit dans le pathos. J’ai envie que ce soit gai, dynamique : on est toujours en train de se marrer », révèle la directrice, Rébecca Frolla-Miñana.

Laure Vial- Lenfant et Rébecca Frolla-Miñana. / E.B.

Hanvie n’est pas une entreprise comme les autres. Elle donne une seconde chance aux travailleurs en situation de handicap qui, de leur côté, redonnent une seconde vie aux objets. Une structure sociale et solidaire, bénéfique autant pour les travailleurs que pour la planète. « Avoir un public orienté handicap, c’était vraiment mon choix de départ car je suis conseillère en insertion et formatrice depuis vingt ans, spécialisée dans le handicap depuis une quinzaine d’années », explique la directrice.

Les tremplins d’insertion pour ce public ne courent pas les rues sur le territoire. Rébecca Frolla-Miñana décide alors de créer une entreprise à son image. Sensible au surcyclage*, elle choisit de mêler les deux activités : l’insertion et l’éco-design.

Elle s’entoure d’une cheffe d’atelier, Laure Vial- Lenfant, qui réalise le design des produits et encadre les travailleurs. Elle développe leur sens artistique, leur créativité et des compétences qu’ils n’avaient pas forcément jusqu’à présent. « Il y a le volet humain que je n’avais pas autant intégré dans le dispositif de création. C’est le jackpot pour moi », confie la cheffe d’atelier.

« Mélanger les handicaps, c’est une richesse »

Les travailleurs, âgés de 19 à 40 ans, partagent tous la même envie : reprendre confiance en eux. Récemment, ils ont encadré un atelier de surcyclage pour la mairie de Nouméa. « Ils ont entre 8 et 10 mois pour trouver un départ positif, soit sur de l’emploi, soit sur une formation. Tous nos travailleurs ont un accompagnement spécifique avec un suivi des ateliers, des visites d’entreprises, des entretiens individuels pour faire avancer leur projet », précise Rébecca Frolla-Miñana.

Ils retrouvent un rythme de travail. Un cadre. Des horaires. Une opportunité de se réintégrer dans la société. « On accueille toute personne avec tout type de handicap. Mélanger les handicaps, c’est une richesse. Ils se soutiennent. Ils sont reconnus travailleur handicapé, mais ils sont en capacité de travailler soit en milieu ordinaire, soit en milieu adapté », précise la cheffe d’entreprise.

Une jeune structure

L’équipe d’Hanvie a obtenu son dock en août 2021, 19 rue Félix Broche, à Magenta. La société a reçu l’agrément « Structure d’insertion par le travail » en décembre 2021. « Cet agrément nous a permis d’embaucher nos travailleurs en insertion à partir de janvier », précise Rébecca Frolla-Miñana qui anime une table ronde au Noumea Women’s forum, vendredi 16 septembre.

 

Même s’ils sont éloignés de l’emploi, pas forcément qualifiés, ils ont envie d’apprendre. Dans l’atelier, Kévin, Jean, Josua et Raphaël touchent à tout. Ils se forment pour trouver le travail qui leur convient et qui leur est adapté. « On essaye de valoriser le parcours de tout le monde. » Oui, mais… Dans les faits, le chemin vers l’inclusion est encore long. « Aujourd’hui, le handicap fait encore peur. Les entreprises ont encore des réticences », constate la directrice.

Certaines sortent tout de même du lot. D’ici la fin du mois, deux travailleurs devraient déjà voler de leurs propres ailes. Raphaël en signant un contrat avec une entreprise, Josua en suivant une formation au CFA.

Edwige Blanchon

Photo : Rébecca Frolla-Miñana (en rouge) et Laure Vial-Lenfant aident Kévin, Jean, Josua et Raphaël à trouver leur voie. / E.B.

Des objets de décoration design

Avec des toiles de store, des chutes de métal, du tissu et bien d’autres matériaux récupérés à droite à gauche, Hanvie propose des objets qui font toujours leur petit effet. Vieux meubles, lampes, chiliennes, miroirs… Leur boutique regorge de trésors qui séduisent les particuliers, mais aussi les institutions. « On a de plus en plus de demandes personnalisées. » Hanvie multiplie les partenariats avec les entreprises afin de récupérer les matières qui les intéressent

Surcyclage

*Le surcyclage consiste à récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité.