[DOSSIER] Franck Olliver : « De nombreux Calédoniens cherchent des solutions »

Le salon Tech 4 Good New Caledonia Summit, dédié à l’innovation, s’est terminé le 1er décembre. Derrière la formulation anglaise se cache un secteur regroupant de nombreuses jeunes entreprises locales aux idées nouvelles.

DNC : Qu’est-ce que la French Tech ? Et que fait-t-elle en Nouvelle-Calédonie ?

Franck Ollivier : La French Tech est un mouvement français initié en 2016 par Emmanuel Macron et qui regroupe plus de 120 communautés dans le monde. Elles sont là pour dynamiser l’économie de demain au travers de la tech et de l’innovation, en mettant en place des accompagnements, en levant des fonds ou en organisant des appels à projets. En Nouvelle-Calédonie, nous sommes labellisés depuis 2020. Une trentaine de contributeurs nous permettent d’exister. Nous avons une cinquantaine de start-up.

Certaines se créent, d’autres disparaissent. C’est malheureusement le principe du modèle. Une bonne dizaine d’entreprises font du chiffre d’affaires et créent de l’emploi. Le dynamisme de la Nouvelle-Calédonie en termes de start-up, d’innovation et de développement est énorme.

Les anglicismes positionnent la France dans l’Europe, et l’Europe dans le monde. »

Qu’entendez-vous par tech et innovation ?

La tech nous entoure tous les jours. Elle est dans nos véhicules et dans nos ordinateurs. Cela peut être une application de vente en ligne, des moyens de paiement complètement nouveaux, de l’agro tech (les technologies au service de l’agriculture, ndlr), de la green tech (les technologies au service de l’environnement, ndlr) ou de la deep tech qui regroupe le numérique de très haut niveau. L’innovation, c’est aller chercher des développements qui n’existent pas ou
qui ne sont pas adaptés à un marché.

Pourquoi tous ces mots anglais ?

Nous parlons beaucoup avec des anglicismes parce qu’ils permettent d’accéder aux marchés internationaux. Ils positionnent la France dans l’Europe, et l’Europe dans le monde. Si l’on veut se présenter sur un marché international, on doit parler, écrire et présenter notre projet en anglais. C’est la langue comprise par tout le monde.

Dans quels domaines les start-up calédoniennes innovent-elles ?

Ici, l’innovation est très liée à l’environnement. Nous avons beaucoup de blue tech qui touche à l’océan, et de green tech pour l’agriculture et l’agroforesterie. Face aux problèmes insulaires, de nombreux Calédoniens cherchent des solutions pour s’en sortir.

Ils travaillent aussi bien sur les coraux que sur le biomimétisme, les algues ou les huîtres. Nous avons aussi des solutions de vente en ligne de vêtements de seconde main adaptées au contexte local. On a un  groupement de femmes qui vendent des robes mission et des sacs en ligne. Nous avons des acteurs qui sont en train de travailler sur des transports par drone.

 

SOUTIENS PUBLICS ET PRIVES

Institutions et entreprises soutiennent l’innovation. Le gouvernement ne compte pas moins de cinq membres en lien avec le secteur, dont Christopher Gygès pour l’économie numérique et Vaimu’a Muliava pour la transition numérique et l’innovation technologique. La province Sud s’y intéresse de près. L’OPT, la SLN, KNS, Vinci Énergies ou Prony Resources financent ou accompagnent.

 

Licorne, start-up, entreprise innovante… Ça veut dire quoi ?

Une start-up est une entreprise qui a une idée qui change, nouvelle ou disruptive. Ce n’est pas parce que tu as une idée innovante ou novatrice que tu ne rentres pas dans le schéma normal de l’entrepreneuriat. Si on arrive à transformer l’idée en entreprise, c’est parfait. Si on arrive à créer de l’emploi, c’est encore mieux. Après sept ans, une start-up devient une entreprise innovante. Une licorne est une entreprise qui arriverait à lever plusieurs millions de francs de fonds.

Qu’est-ce qui change par rapport à une entreprise classique ?

Des entreprises qui ont déjà des centaines de salariés et plusieurs secteurs d’activité innovent en permanence. Une start-up mise sur le futur. Elle n’a pas de valeur ajoutée quand elle est au stade d’idée. Le modèle est basé sur le risque. Quand on cherche des grosses levées de fonds, il y a un capital risque énorme. Une start-up peut couler au bout de six mois ou changer sans arrêt de trajectoire.

Nous pouvons répondre à une demande bien spécifique, adaptée et reproductible sur les autres marchés insulaires. »

Quel est l’intérêt d’innover en Nouvelle-Calédonie plutôt qu’en Métropole ou en Australie ?

La Nouvelle-Calédonie se différencie par son marché. Nous pouvons répondre à une demande bien spécifique, adaptée et reproductible sur les autres marchés insulaires. Par exemple, le modèle économique de Pacific Market autour de couturières et d’un site en ligne est reproductible aux Fidji ou au Vanuatu. Par contre, cela reste très compliqué pour un Calédonien avec une idée de viser un marché américain, européen ou asiatique.

Les coûts des matières premières et des transports rendent le développement de systèmes locaux et régionaux beaucoup plus rentable. Et cela sera de plus en plus vrai.

Propos recueillis par Brice Bacquet

Photo : Franck Ollivier est gérant de l’entreprise Royal Recy Boat spécialisée dans le recyclage de la fibre de verre des bateaux. Il a aussi lancé plusieurs autres start-up. / © B.B.