[DOSSIER] Finances publiques : au bord de l’abysse

Le « pacte de refondation économique et financière » dont la première séance plénière s’est tenue mardi 14 octobre, entend relever la Nouvelle-Calédonie et l’inscrire sur les rails de la croissance. © Y.M.

La réalité est brutale. Adopté lors d’une séance du Congrès mouvementée mi-août, le « plan des réformes budgétaires, sociales et fiscales visant à rétablir l’équilibre des finances publiques de la Nouvelle-Calédonie » a livré, dans son préambule, une photographie alarmante. La situation financière du territoire présente, d’une part, des déficits structurels historiques – comme ceux des régimes de santé ou sociaux et du système électrique – et d’autre part, un déficit conjoncturel né des effets de la crise de mai 2024 « qui a entraîné une perte de 10 % à 15 % du produit intérieur brut, une explosion du chômage, une baisse sensible des recettes fiscales, un recul de la consommation et une crise sans précédent de tout le tissu économique local », relèvent les auteurs du rapport. La santé fragile du territoire est devenue, sous le choc de l’insurrection, gravissime. Au point où, toujours selon le plan, le déficit global annuel de la Nouvelle-Calédonie est estimé, en 2025, à 86 milliards de francs. Énorme.

Pour soutenir son économie en période Covid et post-émeutes, le gouvernement a emprunté, beaucoup. L’État est présent, accompagne et veille. Dispositif mentionné dans le projet d’accord de Bougival signé le 12 juillet, le « pacte de refondation économique et financière » a déroulé, mardi 14 octobre en fin de journée, sa première réunion plénière avec un grand nombre de participants, tant des institutions que des groupes politiques, des associations de maires, des formations patronales ou syndicales. Les travaux sont lancés, le cadre est posé, pour « redonner une vision d’avenir économique et social, retrouver progressivement l’équilibre financier et élaborer en parallèle une refonte des politiques publiques prioritaires », explique Claire Durrieu, inspectrice générale des finances, directrice de la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie.

La méthode vise à « associer largement ». Des réunions plénières interviendront tous les trimestres, la prochaine est programmée début février 2026. L’une des missions de ce groupe sera de tracer les grandes orientations. En-dessous, est instauré un comité de pilotage institutionnel aux rencontres mensuelles. Des « unités opérationnelles », ou équipes de travail, seront mises en place. Au nombre de cinq pour cinq thématiques avec le soutien d’experts, de la diversification de l’économie au projet de société et la jeunesse. « L’enjeu est d’avoir des résultats à court, moyen et long terme », appuie Claire Durrieu. Parmi les urgences, apparaissent la vie quotidienne, l’état des lieux des finances publiques en 2026 et la préparation d’un plan de relance rapide. « Il faut remettre le bateau sur le bon cap », signale Alcide Ponga, président du gouvernement. « La Nouvelle-Calédonie a vécu trop longtemps au-dessus de ses moyens. Il faut en avoir conscience », a observé, de son côté, Thierry Santa, membre de l’exécutif en charge du budget et des finances, jeudi 9 octobre, après l’examen au Congrès de la convention sur le versement de la seconde tranche du prêt AFD établi à 120 milliards de francs.

Il faut « stopper la dette », a insisté Pierre-Chanel Tutugoro, mercredi 15 octobre, suivi d’Omayra Naisseline qui s’inscrit sur la logique d’« aller chercher des nouvelles recettes ». Les deux élus du groupe UC-FLNKS et Nationalistes ont posé sur la table du Congrès une proposition de loi du pays instaurant « une imposition de solidarité sur le patrimoine ». Envisagé sur le patrimoine financier, immobilier et professionnel, cet impôt serait dû, selon le projet, lorsque la valeur de ces biens d’un contribuable est supérieure à 100 millions de francs. Le texte ne manquera pas de faire réagir lors de son examen boulevard Vauban.

Y.M.