L’augmentation du nombre de sans-abri dans la capitale incite à l’action. La mairie intervient via des structures d’accueil qu’elle subventionne et sa police, de plus en plus sollicitée. Mais Sonia Lagarde explique qu’elle ne peut porter seule ce dossier, notamment en matière sanitaire, compétence du gouvernement local.
Manuel Valls n’a pas manqué de le relever lors de son intervention au JT, le 3 avril. Le ministre des Outre-mer a listé parmi les indicateurs sociaux l’inquiétant énormément, l’explosion du nombre de sans domicile fixe. Preuve que le sujet, qui préoccupe la maire de Nouméa depuis des années, a fait son chemin.
« Je me souviens d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance où j’avais dit au haut-commissaire qu’on avait 600 SDF dans la ville. » C’était « fin 2019, début 2020 ». La maire de Nouméa avait sollicité son CCAS, centre communal d’action sociale, pour une étude et ces personnes avaient été quantifiées, grâce aux maraudes de Macadam Partage (Association L’Accueil) qui voyait alors à peu près 500 d’entre eux dans l’année.
Depuis les émeutes, « tout le monde constate qu’il y en a beaucoup plus, glisse Sonia Lagarde. Je crois qu’on avoisine les 1 000 aujourd’hui ». Macadam est intervenu pour 700 sans abri en 2024 (570 en 2023) sachant que la structure n’accueille que les personnes à jeun.
« ALCOOL À BRÛLER »
La maire a demandé une nouvelle étude à L’Accueil subventionnée à hauteur de 20 millions de francs par an. « Des gens de terrain qui les connaissent, qui ont noué des relations. » Cela permettra de mieux décrire le phénomène. « On veut savoir combien ils sont, d’où ils viennent, pourquoi ils sont dans la rue, est-ce qu’ils ont perdu du boulot, viennent-ils du nord, des mines, qui sait ? », avance Sonia Lagarde.
Les observateurs semblent s’accorder sur une « présence accrue de femmes, souvent jeunes, qui ont des conduites addictives, parfois plus violentes que les hommes, et des jeunes hommes ». « Un tiers viendrait du nord, un tiers de Nouméa, un autre des îles ».
Des mouvements ont été opérés depuis les exactions. Les personnes localisées au Plexus de Ducos par exemple, détruit, sont désormais intra-muros. Les « zones rouges » sont situées au « Quartier-Latin, Orphelinat, Anse-Vata, route de l’Anse-Vata ». Attirés par les commerces et l’alimentation, « ils sont autour des supermarchés, supérettes, pâtisseries, boulangeries, certains font les poubelles ».
En journée, les SDF s’adonnent à la mendicité. « Parfois ça se passe bien et parfois non », regrette la maire. Beaucoup sont alcoolisés et parfois même consomment de « l’alcool à bruler », d’autres sont en « rupture de traitement » pour des troubles psychiques. Le directeur de la police municipale, Antoine Dongoc, observe un fait nouveau. « Ils sont maintenant en groupe. Des groupes d’une dizaine de personnes. » Il fait aussi état d’une agressivité nouvelle qui va jusqu’aux « vols à l’arraché », aux « rébellions ».
S’Y METTRE TOUS ET « PASSER AUX ACTES »
Cette situation pèse de plus en plus lourd sur l’action de la police. « C’est un problème très important. Sur les neuf derniers mois ‒ on s’est aperçu du phénomène en juillet 2024 quand les exactions se sont un peu calmées ‒ on a quand même près de 3 000 interventions impliquant 4 000 personnes [NDLR : certaines sont impliquées à plusieurs reprises]. » « J’ai tous les jours au moins deux brigades entières sur le terrain », nous dit Antoine Dongoc.
Depuis, polices municipale et nationale ont un plan d’action commun. Il implique « l’extraction des personnes à proximité des commerces, des restaurants ». Quand elles provoquent des nuisances et sont alcoolisées, elles sont placées en « chambre de dégrisement ». Mais « elles ressortent et refont la même chose toute la journée, c’est sans fin », explique le directeur. Le plan comprend aussi « beaucoup de présentiel pour rassurer la population » dans un contexte exacerbé depuis les émeutes, avec des vols aussi plus fréquents. « Ils vont chaparder dans les jardins. »
« Moi je comprends que les gens râlent, conclut Sonia Lagarde. Et puis quelle image on montre aux touristes qui débarquent ? » Consciente que ce n’est « pas une spécificité locale » et qu’il ne faut « pas non plus sombrer dans la psychose », elle aimerait « avoir une ville plus assainie et pense que la police a plein d’autres choses à faire ».
Mais pour agir de manière efficace, la ville ne peut pas tout. « Moi je suis démunie, je n’ai pas une prison, je ne suis pas la justice, il n’y a pas de centre, seulement Macadam Partage et encore heureux que la mairie était là pour faire cela en 2017*. Et je n’ai pas de médecin, pas d’addictologue. »
Elle compte désormais sur la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie et de la Direction des affaires sanitaires et sociales. Un rendez-vous était organisé jeudi 3 avril avec le président Alcide Ponga dans l’espoir de réunir tous les acteurs concernés. « Il est important qu’on s’y mette tous et qu’on passe aux actes. »
Chloé Maingourd
*Macadam Partage ouvert en 1998 en centre ville a déménagé dans de nouveaux locaux réhabilités en 2017 pour 100 millions de francs (Mairie, État, province Sud).